Je me suis fait réveiller par un service de réveil de la réception à cinq heures du matin. C’était une erreur et c’était plutôt déplaisant. Il m’a fallu un peu de temps pour me rendormir, pas trop non plus finalement. J’ai hésité à ne pas me rendormir pour pouvoir m’en plaindre et finalement j’ai préféré le sommeil et la bonne humeur. Au réveil suivant, Cerise m’a accompagnée. Elle voulait aller à la plage, que nous avons trouvé en travaux pour neuf mois pour la rendre plus belle. Il y a du boulot et pas d’ouvrier présent, en tout cas aujourd’hui. Nous nous sommes rabattus sur la tour panoramique. Cerise se plaignait déjà d’avoir mal aux pieds et de beaucoup trop marcher. Nous avons longé quelques rochers pour remonter les ghats et rejoindre notre hôtel afin que Cerise puisse se reposer, selon sa demande. La télévision proposait le dernier match de la finale d’un tournoi entre l’Inde, le Sri Lanka et l’Australie. A défaut de voir un bon match en live (la série contre le Pakistan en Inde a été annulée un mois avant notre départ), au moins j’en aurai vu en direct à la télé. Une petite dizaine d’overs avaient été bowlés quand Cerise s’est finalement décidé à aller manger. Nous avons ingurgité quantité de jus de fruits frais accompagnés d’une pizza à la mode locale et de frites pour Cerise. Ensuite, nous sommes encore rentrés nous reposer et nous avons écrit des cartes postales que nous avons envoyé après notre visite à la poste. Puis, nous avons pris le ferry pour les îlots situé à quelques petites minutes de bateau et accueillant le mémorial de Vivekananda, un philosophe indien et moine errant, célébrant l’endroit où il venait méditer et où il a décidé de transmettre son message, mélange de dogmes hindous et de justice sociale. Contrairement à l’embarcation et à la traversée, l’îlot est très calme, sage, bien que très visité. L’atmosphère y est sereine et paisible. Je m’y suis senti bien et m’y serais attardé. Cerise aussi, un peu moins que moi. Il faut concéder qu’il est plus difficile de rester placide en étant une nouvelle fois une attraction. Certains demandent s’ils peuvent prendre une photo, certains l’agrippent, la forcent sur leurs genoux ou dans leur bras et lui demandent encore de sourire à l’appareil, alors qu’il est plus que visible qu’elle n’apprécie pas. J’interviens régulièrement. Parfois, ils se rendent compte par eux-mêmes et parfois je n’ai pas envie de leur expliquer. L’îlot est jonché de deux mandapas, le premier, plus restreint permet de faire des dons à une icône derrière une grille et le second, plus élevé abrite une statue et des colonnes gravées. Fort joliment d’ailleurs, avec des ornements qui ressortent en blanc sur une pierre foncée. Le fracas des vagues sur les rochers rythme nos errances. Je me suis dit que, quitte à être à la pointe sud de l’Inde, sur un îlot encore un peu plus au sud, autant aller à la pointe sud de l’îlot. Je me suis demandé si les îles Nicobar n’étaient pas plus au sud et surtout je me suis dit que je n’en ressentais pas la nécessité. Je me suis amusé de constater plus tard que ladite pointe sud de l’îlot était aménagée pour recevoir l’urine et les étrons des visiteurs, les toilettes. Alors que nous attendions le ferry pour le deuxième îlot, Cerise se plaignait de l’attente, malgré une grande attention portée au déchargement d’un autre bateau. Nous ne sommes alors pas arrêtés sur celui qui loge une statue de quarante mètre et cinquante centimètre (cent trente trois pieds) du poète tamoul Thiruvalluvar qui a nécessité l’ouvrage de cinq mille sculpteurs. Nous avons plutôt mangé une glace avant de profiter du toit de l’hôtel, de sa piscine et du coucher de soleil. Cerise a un plaisir fou à se baigner dans une piscine. Celle-ci n’est pas adaptée aux enfants et je l’ai portée. Elle n’a pas eu de peine à s’y amuser assise sur les escaliers, ni plus tard, après que je sois sorti et que je lui en ai montré la possibilité, à faire des aller-retour accrochée à la rambarde. Ensuite, elle voulait jouer et nous sommes partis un peu tard manger. Elle était déjà fatiguée. De plus notre session internet s’est éternisée parce que les connexions ici sont vraiment pourries. Non seulement, il m’est impossible de me connecter avec mon propre ordinateur, mais en plus il faut vraiment être patient. Comme je n’avais pas la frite lors de la dernière mise à jour des infos pour les proches, et que je ne peux pas donner de nouvelles depuis, certains s’inquiètent. Ma mère a écrit pour me remonter le moral, c’est chou. Hélène aussi se réjouissait de connaître la suite pour être rassurée. Elle me dit que beaucoup me demande des nouvelles. En tout les cas, j’ai du plaisir à savoir que je suis lu et que plusieurs personnes suivent notre périple que je partage avec un grand plaisir. Et bien oui, le voyage comporte ces moments difficiles et ce sont justement ceux-là qui me font grandir au final. Peut-être est-ce paradoxal, pourtant ce sont ces moments que je suis venu rechercher ici, autrement je serai allé sur un plage de Thaïlande ou ne serait plutôt pas parti seul avec un de mes enfants. Moi-même je sais très bien que ma quête de vivre le présent mérite des vagues, des difficultés si je veux m’y améliorer. Tout va bien, je me sens bien ici, je suis paisible et je n’ai pas besoin de réfléchir plus loin. J’ai l’impression de me poser enfin et de ne pas avoir besoin de connaître le lendemain, ni de vivre de l’exceptionnel. Laisser le rythme de la vie m’envahir simplement.
Cerise commence à manger indien. Même si elle refuse toujours les sauces, elle sait dire papad, chappati, thali, chai et goûte mes plats. Elle dansait en rentrant du restaurant et s’est effondrée dans le sommeil aux premiers mots de « la belle et la bête ».