Cerise au Kerala
 

 

 
Alappuzha, le 13 mars, 20h45
 

 

Cerise a mené le bal hier soir, jusqu’à près de minuit ! Je me suis réveillé dans la nuit, puis à sept heures moins quart, pour me laver encore, préparer le sac. Cerise s’est réveillé au moment idéal pour s’habiller tranquillement. Nous avons pris un rickshaw jusqu’à la gare ferroviaire de Varkala Sivagiri. Nous y avons attendu quelques minutes le train local qui nous a conduit à Kollam en quarante minutes pour quatre roupies (entre sept et huit centimes). Là, pas encore descendu de la passerelle qui domine les différents quais, les rickshaw-wallah se pressaient déjà pour nous emmener à l’embarcadère. J’ai voulu résister et prendre le rickshaw dans la file, comme tout le monde. Même les Indiens et les conducteurs dans la file m’ont dit d’aller avec le rabatteur. Son prix était correct, alors bon…
A l’embarcadère, je suis allé chercher quelques vivres pour le trajet. Il restait bien plus d’une heure à attendre le départ du bateau. Il n’y avait qu’un train qui arrivait à temps à Kollam. Un jour de plus parmi les touristes. A part les quatre membres de l’équipage, le bateau n’accueillait que des Blancs. Je sais maintenant pourquoi je les trouvais si laids à Varkala, et sur le bateau, pour la plupart. La vie semble avoir déserté leurs visages indifférents, les sourires sont aussi fréquents que les chutes de neige. Et le contraste avec les Indiens, l’amabilité et la serviabilité de la plupart d’entre eux est saisissant.
Ce devait être un grand moment pour Cerise, qui parlait de bateau depuis que nous avions navigué entre les îles de Kochi. Toute la journée sur les backwaters du Kerala, ces étendues d’eau et canaux plus ou moins étroits qui serpentent entre Kollam et Kochi. Cerise, trop fatiguée pour en profiter, ne voulait plus passer toute la journée sur le bateau, une fois partis … Les paysages étaient souvent splendides, les embarcations et les maisons colorées, en faisant abstractions des déchêts qui jonchent l’eau et les rives. Par contre, sur le trajet principal, à bord d’un bateau d’une capacité de nonante personnes, la variété des endroits visités n’attire pas l’œil en permanence. De nombreux collègues lisaient ou dormaient de longues tranches de ce parcours de huit heures. Nous nous sommes arrêtés pour un très bon thali. Plus de la moitié des occupants s’est renouvelé au seul arrêt proposé, à l’ashram de Matha Amrithanandamayi, surnommé Amma. Elle est connue pour être une des rares femmes gourou d’Inde et pour ses bénédictions qui durent toute la nuit durant lesquelles elle étreint des milliers de personnes. D’ailleurs, cet ashram a plus de deux mille résidents permanents, qui paie chacun deux cent cinquante roupies par jour, pour être nourris, logé dans d’affreux hlm rose complétement hétéroclites au milieu des cocotiers et du lait matin et soir, le lait de la mère. Un français rencontré en gare de Kanniyakumari, avec un petit air de Patrick Dewaere, y a passé une journée avant de se retrouver sur le même bateau. Il m’a parlé d’une véritable secte, avec ses pires clichés. Amma était présente, et les résidents se dépêchaient pour être le plus près d’elle pour les méditations, au terme desquelles ils chantent la gloire de la mère qui gouverne tous les mondes. Pour lui, il n’y avait aucun doute sur la symbolique de la mère, la mère c’est elle et elle est considérée comme une déesse. Il n’a pas reçu ou recherché ses enseignements, qu’il concède pourtant devoir exister puisqu’autant de gens la suivent avec frénésie. Les journées sont rythmées par un horaire très précis et des règles indiscutables, telle pas de tabac, d’alcool, de bruit après telle heure, etc. Il y a un super accueil pour les enfants et toutes les langues européennes y sont parlées. Pour moi, la mère qui étreint sonnait plutôt bien. De toute manière, je crois que l’important dans tout enseignement spirituel n’est vraiment ce qui est donné, théorisé, mais comment il est perçu et ce qu’il apporte à au disciple. Sunil, un des membres de l’équipage, assis à mes côtés pour bavarder, m’a demandé ou nous avions acheté le chouchou que portait Cerise, en anglais bien sûr. Je lui ai répondu : à Kanniyakumari. Et Cerise s’est retournée pour me dire : non, on l’a pas acheté, on l’a trouvé. ! D’autres réactions similaires sont arrivées, quoique moins flagrantes. Elle comprend donc assez bien l’anglais de base ! J’ai vu un serpent nager, il devait être à trois mètre de moi, et du bateau, quand il a fait demi-tour. J’ai eu le temps de comprendre qu’il s’agissait d’un serpent quand il a détalé, il devait être gris avec des dessins noirs. Nous avons observé, outre les cocotiers, manguiers, bananiers, nénuphars, des fleurs nombreuses et une faune différente. Ces oiseaux blancs, qui ressemblent à des ibis, des noirs, des rapaces, perchés sur les poteaux qui indiquent les zones peu profondes, des canards, des dindes. A un moment nous avons croisés des milliers de canards rassemblés. Peut-être suivaient-ils leur Amma ? Jusque là épars, je n’avais jamais vu autant de canards en même temps. A la pause de l’après-midi, mon gobelet de chaï s’est plié et est tombé de ma main. J’ai eu le réflexe de jeter mon ventre dessous pour épargner Cerise, qui en a tout de même reçu un peu. L’équipage a volé à son secours pour la mouiller et qu’elle n’ait pas de brûlure, avant que j’aie pu moi-même agir. Alors elle a pleuré, déjà qu’elle avait reçu du chaï, maintenant des étrangers la portaient, en plus pour la mouiller. Après l’avoir en partie consolée, je me suis enquis de son désir de boire en allant lui chercher un mirinda. Et voilà mes gaillards qui la remettent sous l’eau ! Elle s’est fait attaquée par des fourmis rouges ! Cerise pleurait, ils croyaient qu’elle avait mal. Elle pleurait parce qu’elle avait été lavée deux fois. Je lui ai promis qu’elle n’aurait pas besoin de se laver ce soir, mais demain. Elle a dit avoir froid, toute mouillée, je lui ai proposé de se mettre au soleil dans le bateau qui repartait déjà. Elle ne voulait pas et n’avait plus froid. Nous n’avons pas fait long à sécher, dans le vent tiède engendré par l’avancée du véhicule. A l’arrivée à Alappuzha, les rabatteurs piaillaient avant même l’arrêt du bateau, nous tendant des cartes de visites. Nous nous sommes arrêtés un instant et finalement, j’ai laissé Cerise choisir parmi les propositions. Ici, les prix semblent bas et la concurrence hors saison bat son plein. Nous nous retrouvons dans une chambre surévaluée par rapport aux autres propositions, chez des jeunes qui prônent la liberté et la fête. L’endroit aurait été génial il y a treize ans. Aujourd’hui, la chambre est correcte, il y a des fleurs dans les allées et Cerise dort un peu plus vite que si nous étions parti à la recherche d’un meilleur endroit pour nous. Le voyage, qui m’attirait tant et que j’ai attendu toutes ces années, me fait toujours rêver, pourtant il ne fait plus partie de ma réalité. L’expérience réalisée il y a treize ans reste une des plus importante de ma vie, elle m’a permis de me construire. Aujourd’hui, je me sens plus construit, et ma vie n’est pas ici.
Je dois sortir pour bénéficier d’un bon wifi, les jeunes fument et regardent la télé, un autre joue « Blackbird » et « les portes du pénitenciers » sur une guitare mal accordée, il y a des moustiques, à part ça l’endroit est assez roots.

 
 
 
 

 

 
            
 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

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