Cerise au Kerala

 

Fort-Cochin, samedi 25 février 2012, 20h

Nous voici arrivés en Inde, Cerise et moi, pour ce périple tant attendu ! Nous avons quitté le reste de la famille à la gare de Palézieux, où la chocolaterie est par ailleurs fermée. Le trajet en train s’est passé sans spécialités. J’ai acheté un journal de princesse à Cerise, comme prévu, à l’aéroport. Elle était contente de voir l’avion, et moins certainement encore plus de la voir contente. Je lui ai laissé le siège fenêtre et elle n’arrivait pas à voir quoi que ce soit, car elle était trop petite. Toutes les hôtesses étaient aux petits soins avec elle. Elle est arrivée fatiguée à Doha, où nous avons profité de la loge que Caroline nous avait organisé. Le temps est passé plutôt rapidement. Cerise s’est endormie par terre dans le deuxième avion, et l’hôtesse est venue me dire que c’était dangereux en cas de turbulences pendant lesquelles il faut s’attacher. Notre voisin a alors gentiment changé de place et j’ai porté Cerise sur les sièges, sans qu’elle se réveille. Elle était encore endormie à l’aéroport, et encore dans mes bras jusqu’à la douane. Un officiel est venu nous proposé de changer de file, nous avons alors rejoint la file pour les personnes à mobilité réduite, personnes âgées et demoiselles avec bébé. Qui n’allait pas vraiment plus vite que les autres, pourtant bien plus peuplées. Durant l’attente, il y avait du cricket à la télévision. Nous pouvions acheter un billet de taxi prépayé à 799 roupies, et nous avons préféré le trajet dans un super bus qui nous a amené directement à Fort-Kochi pour moins de 10% du prix. Bienvenus en Inde ! Nous sommes sortis du bus près des carrelets que nous avons vu fonctionné dès leur arrivée. Cerise a apprécié la proximité de l’eau. Nous avons choisi la première chambre visitée en négociant le prix, à la Princess Inn. Etonnamment, le nom de l’auberge n’enflamme pas Cerise, par contre la chambre lui plaît car le couvre lit est rose avec des fleurs. Nous nous sommes reposé un moment avant de partir manger. Des enfants jouaient au cricket dans un parc. J’aimerais bien les rejoindre. Puis nous nous sommes rendus au bord de la mer. Quand j’ai dit à Cerise que nous voyions la mer, elle s’est mise à courir dans sa direction. Elle a joué dans le sable durant plus d’une heure, que j’ai passé à l’ombre d’un grand arbre. Cerise est une star, beaucoup d’Indiennes veulent la toucher, les hommes aussi veulent la saluer et prendre des photos. Toute cette attention la fatigue déjà. Passé l’effet de flatterie, elle apprécie difficilement cette proximité inappropriée. Après le souper, coucher tôt, pour moi aussi.

 

Fort Cochin, 2ème jour, dimanche 26 février 2012, 20h.

Cerise est fatiguée ce soir, elle ne tient plus en place. Nous avons quitté le spectacle de Kathakali, danse traditionnelle keralaise en cours de spectacle. Cerise jigotait depuis son arrivée. Elle a transformé la feuille d’information en confettis, s’est couchée par terre, à enlevé ses sandales, les a remises, a cassé son drapeau de l’Inde, a râlé, s’est recouchée, m’a tiré les cheveux, léché les oreilles, renlevé ses sandales, donné des coups de pieds, râlé encore, puis nous sommes partis. Je dois admettre aussi que le spectacle n’était pas passionnant, les explications préliminaires étaient longues, la danse elle-même pas très energique, si ce n’est les costumes colorés et le maquillage expressif.

Nous attendons notre repas sur la terrasse que Cerise a choisi pour manger. Elle a commandé un riz sans rien, qu’elle veut agrémenter des condiments posés sur la table, sel, poivre et sambal.

Plus tôt aujourd’hui, en rentrant du palais hollandais de Matancherry, je l’ai vue se pencher sur les sacs d’épices, y reconnaître la cannelle avec enthousiasme et se questionner d’autres senteurs, comme la muscade, les différents poivres, cardamome, etc. Elle regarde les bijoux et pense à elle et sa mère en les voyant. Elle a bien compris que nous n’achèterons des cadeaux et des souvenirs avant de partir uniquement, que nous reviendrons à Fort-Cochin avant de rentrer.
 

21h15

Ce matin, réveillé tard, nous avons longuement patienté pour recevoir un lassi qui avait tourné et quelques tranches de pain toast pour Cerise. Nous sommes ensuite allé voir les pêcheurs et leurs carrelets chinois, d’après le désir de Cerise. A peine arrivés sur place, les pêcheurs nous hélèrent, nous ouvrant l’accès à leur espace. Ils nous ont alors fait une démonstration de l’utilisation du carrelet, de ses contrepoids, nous ont invité sur le ponton pour observer la pêche, bien maigre. Ils ont présenté les petits poissons attrapés, celui-ci était un poisson tigre qui grandira et qui est dangereux à cause des épines sur sa nageoire dorsale, qui piquent durant plusieurs heures. Ils ont donné d’autres petits poissons à Cerise pour qu’elle les rejette à l’eau. Tout cela tombait à point nommé. Les pêcheurs nous ont expliqué qu’il y a plus de poissons durant la mousson ou la pleine lune. C’est pourquoi, lui ai-je répondu, vous avez besoin des touristes à la mauvaise saison. Ils ont approuvé. Pour le plaisir de Cerise, qui n’a pas de prix, je leur ai donné 100 roupies qui les ont amplement satisfait. Je voyais aussi que celui qui a le plus parlé, présentait son travail à Cerise avec plaisir.

Ensuite, premier trajet en rickshaw, jusqu’au palais hollandais de Matancherry. Ou nous avons découvert une collection de palanquins, et d’habits incrustés de bijoux qui avaient motivés Cerise pour le déplacement. Quelques pas dans le quartier juif sous le soleil de midi nous ont permis d’apprécier l’ombre et le calme de la synagogue cinq fois centenaire. Cerise a proposé qu'on y organise le mariage de Geneviève et Dominique, puisqu'il y avait de si belles lampes dans cette salle. En fait de nombreux lustres en verre surplombait la "chaire" centrale. A Kochi, les religions sont si bien mélangées qu’il est parfois difficile de savoir si le châle couvre les cheveux d’une nonne ou d’une musulmane.

Nous sommes rentrés par bateau, celui qui traverse le bras de mer qui sépare les différentes îles et Ernakulam sur le continent, qui composent la ville de Kochi. En attendant le ferry, nous sommes restés à discuter avec une famille dont Cerise a pris une photo des filles, éclatantes dans leurs habits verts vif et parées de bijoux. La petite avait des pous, j’ai d’abord vu les lentes, puis les poux, clairement.

Nous avons prévu de prendre le train demain qui nous amènera à la plage.

 

Kannur, 27 février 2012, 22h19

Nous avons bien dormi et nous sommes levés tard ce matin. Nous avons pris une douche et paqueté nos affaires. Cerise a pris son sac Dora pour porter elle-même quelques objets. Nous avons déjeûné au café Del Mar, très proche de l’hôtel et j’ai profité de leur wifi pour mettre à jour le site temporaire que je fais pour les amis qui veulent se tenir au courant ou participer un peu au voyage avec nous. J’ai décidé de profiter de ce voyage pour tester : être végétarien. C’est un bon pays pour essayer car il regorge de solutions pour les végétariens qui sont nombreux et que je ne suis pas toujours sûr de la qualité de la viande. Omelette épicée avec un chaï pour moi, et tartines avec un shake vanille pour Cerise. Nous avons ensuite marché jusqu’à l’endroit où le bus nous avait déposé l’autre jour, en venant de l’aéroport. Je souhaitais y trouver un bancomat. Les personnes que j’ai questionné m’ont renvoyé ailleurs. Sur le chemin de cet ailleurs lointain, une banque s’est présentée qui m’a craché dix mille roupies depuis ma carte raiffeisen sans difficulté aucune, alors que celui trouvé hier soir, refusait même ma visa… Retour à l’arrêt de bus. En une question, nous avons trouvé un bus qui se rendait à la gare ferroviaire. Enfin presque … Trois roupies. Et un vrai bus, plein de vie, où les femmes s’asseyent à l’avant et les messieurs à l’arrière. Un bus dont les suspensions ont rendu l’âme il y a longtemps déjà, qui saute haut à chaque bosse. C’est peut-être la raison pour laquelle le femme se tiennent à l’avant, une seule de ces impressionnantes secousse pouvant certainement provoquer un accouchement. Ce bus donc respirait la vie, la vraie vie et pas la vie aseptisée d’un bus à touristes. Les odeurs, les conversations, les comportements.  Je me disais justement tout cela quand Cerise m’a dit qu’elle trouvait ce bus rigolo. C’est comme cela que j’aime voyager.
Le bus nous a déposé à près de trois kilomètres de la gare ferroviaire, ce qui n’est pas mal, tout en étant pas attendu. Nous avons marché et demandé notre chemin parmi un traffic dévergondé en cherchant l’ombre d’un soleil écrasant. Cerise a fini son trajet sur mes épaules.
Nous avons fait la queue pour acheter le billet d’un train qui  partait trente minutes plus tard pour notre destination. Bien eu raison de ne pas nous stresser ce matin.

Si beaucoup de choses ont changé depuis ma dernière visite en Inde il y a treize ans, les trains, eux, n’ont pas bougé. Enfin, les mêmes continuent de circuler, plutôt. J’ai ressenti comme un petit choc en entrant dans le compartiment, un air de déjà vu et une baffe de souvenirs, de différentes qualités.
Le trajet s’est bien passé. Cerise et moi, nous étions préparés à y consacré notre journée. Je me réjouissais de voir défiler des paysages variés. J’ai eu peu déchanté, les bords de rails se ressemblent tout au long du trajet de Kochi à Kannur. Je me suis lassé des cocotiers, rizières, bœufs, oiseaux blancs et oiseaux noirs, terres brûlées, poubelles, des odeurs de feu, d’herbe fraîchement coupée, d’égoût et j’ai pu concentrer mon attention à Cerise qui ne s’y est intéressé, elle, qu’au coucher du soleil. Elle s’est alors couché sur moi et j’ai ressenti, comme au matin dans le bus, ce bonheur débordant. Je ne connais pas de plus grand bonheur que sentir l’abandon de ma fille sur moi, un mélange de confiance et de tendresse, de sécurité et d’amour. Sa peau, son poids, sa moiteur, ses déplacements, ses murmures, ses mots, ses cheveux dans ma bouche, la teinte de ces mêmes cheveux, sa jupe à fleurs, ses pieds sales.
Elle a ainsi pu constater avec moi, qu’au dernières heures de la journée, les jeunes profitent pour s’amuser et que dans cette région, il y a autant de joueurs de football que de cricket. Le coucher de soleil sur les cocotiers avaient un goût de Goa vieux de treize ans et laisse envisager des soirées magnifiques que je me réjouis de partager avec Cerise.

Quelques jeunes dans le compartiment devant nous se rendaient à Goa justement, certainement pour y faire la fête. Ils étaient motivés et fougueux, chantaient. Et bien sûr, ils étaient attirés par Cerise, qui manifestait son raz-le-bol de son statut de star dès le matin. Après Kozikhode, ils ont rejoint notre compartiment pour causer avec moi et surtout pour une séance de photos avec Cerise. Elle s’est gentiment laissé apprivoiser. Ils étaient drôles ces jeunes. Comme métier, je leur ai dit que je m’occupais de méchants garçons. Un des leur était policier. Je lui ai dit qu’alors il fumait de la ganja. Oui, oui, c’est la même chose dans le monde entier, les policiers attrapent les fumeurs de joints et fument ce qu’ils ont confisqué. Hilarité générale. Finalement Kannur est presque arrivé trop tôt, le voyage commençaient à s’emballer et nous avions une heure trente d’avance sur le planning !

Bizarre ambiance à la gare de Kannur, aucun rickshaw-wallah ne voulait nous emmener à la Governement Guest House. Nous avons erré un peu, à la quête d’un rickshaw. D’habitude, ce sont eux qui nous courent après ! Nous avons trouvé un endroit officiel pour taxi et rickshaw et le chauffeur nous a emmené à ladite guest house. J’ai demandé à mon ange gardien de nous y garder une chambre. Au même moment, Cerise m’a dit : c’est bien, papa, la chambre elle nous attend déjà, elle est prête pour nous. Pourtant la pension était pleine. Notre chauffeur adorable a cherché avec nous, un endroit dont le prix serait abordable pour nous. Finalement après plusieurs échanges avec des locaux, j’ai sorti mon lonely planet qui présentait un autre endroit près de la plage à un prix supportable. C’est un vrai hôtel, avec chiotte à l’européenne, eau chaude, télévision, ascenceur, room service, et même un décrochement avec table et fauteuil qui donne sur la mer. Ce devait être celle-là notre chambre. J’ai du négocier ferme le prix, tout en devant concéder que je n’avais pas beaucoup d’autres endroits où aller, qu’il faisait nuit et que nous étions fatigués.

Une bonne douche nous a requinqués tous les deux et Cerise peine même à s’endormir maintenant, elle a sa tête posée sur mon sein gauche, pendant que j’écris, couché sur le lit, l’ordinateur sur mes genoux. Cartoon network n’a pas suffi à l’assoupir. Il y a une chaîne de télévision sur laquelle il n'y a que du cricket toute la journée et toute la nuit, quel bonheur !

Demain, c’est grève générale dans tout le Kerala, nous resterons dans cet hôtel plusieurs jour, le temps de bien profiter de la mer, des blocs le long de la plage.

 

Kannur, le 28 février 22h36.

Cerise a toujours de la peine à s’endormir le soir. Elle joue, cause, me donne des coups de pied, et s’effondre soudainement. Là, elle joue avec ses colliers, couchée en travers du lit.
La journée a été peu animée. Au réveil, je me suis rendormi. Puis le téléphone a sonné pour nous inviter au petit déjeuner compris, que nous avons tranquillement rejoint. Omelette, toasts, beurre, confiture, dosa, sambar, jus de pastèque et chaï. Je suis allé au bord de la terrasse pour tenter d’y apercevoir la fameuse plage. J’y ai plutôt rencontré un Rennais qui m’a parlé d’une piscine. Il n’est pas encore allé à la plage et pas trop en forme gastriquement, ne souhaitait pas franchement y aller. Cerise et moi nous sommes mis en route pour la plage de Palayambalam. En chemin, nous avons croisé la government guest house qui affiche toujours complet, avec plus de sympathie toutefois. Le chemin jusqu’à la plage, en plein soleil était bien plus long que prévu. Le Rennais nous a rattrapé en chemin. La plage était assez fréquentée, de baigneurs, de promeneurs et de joueurs de football, pas un cricketeur. Les vagues de la mer chaude faisaient peur à Cerise qui ne voulait pas y aller. Je l’y ai emmené, et elle commençait à y prendre plaisir que une vague a heurté son visage. Elle n’a pas goûté le sel marin. Elle a joué dans le sable, cueilli des coquillages et n’a plus vraiment voulu venir se baigner. Pour ma part, j’en ai profité. Notre Rennais nous a rejoint avec des coquillages de toutes formes, couleurs, un crabe, une étoile de mer. Puis Cerise voulait rentrer et tant mieux, car malgré la crème solaire, nous avions de joli coup de soleil, aux coudes pour Cerise et sous les omoplates pour moi. Et le bas du dos pour les deux.
De retour, nous nous sommes lavés et j’ai regardé la fin du match incroyable entre le Sri Lanka et l’Inde, en jouant à la princesse avec Aladin et la barbie.
A la fin du match, Cerise ne voulait toujours pas quitter la chambre … Je me suis alors souvenu de la piscine, dont nous avons profité sous le coucher du soleil, avant de manger sur la terrasse, en bord de mer, enfin, un peu plus haut. Cerise voulait à nouveau un riz sans rien pour y ajouter du sel et du poivre. Elle a goûté et aimé le batoora et le parantha, des types de pains plats, comme les nan et les chappatis des autres jours. Elle continue à refuser de goûter toutes les sauces, elle qui aime tellement le curry ! Je ne la force pas, je me dis qu’il y a une raison à ça et qu’elle se connaît mieux que moi et sait mieux ce qui est bon pour elle.
Nous avons parlé vingt bonnes minutes avec Hélène, Alice et Lea sur skype, super. Elles me manquent un peu moins comme ça !

 

Kannur, le 29 février, 22h40

Notre grand jeu, ici à l’hôtel, consiste à nous donner rendez-vous deux étages plus haut ou plus bas. Cerise prend seule l’ascenseur pendant que j’entreprends les escaliers. Elle prend avec elle la clef de la chambre et c’est une source d’amusement et de joie.
Nous nous sommes levés un peu plus tôt et sommes partis en auto-rickshaw vers les plages de Thottada, que si peu d’indigènes semblent connaître. Huit kilomètres et trente minutes de rickshaw pour arriver en vue de la plage. En réalité près des résidences en bord de plage pour touristes fortunés qui souhaitent résider au grand calme. Après quelques détours, dont le franchissement d’un pont étroit et sans barrière, nous avons découvert une plage magnifique et presque déserte. Un vrai coin de paradis. A dix heures trente, le soleil cognait déjà méchamment sur nos coups de soleil, même à travers mon t-shirt. Nos rougeurs attestaient des endroits où la crème solaire n’avait pas bien été appliquée. J’ai même la marque d’une main blanche dans le dos. J’ai marché jusqu’au blocs rocheux en bout de plage. Cerise lambinait et je l’ai laissée prendre son temps. Que pouvait-il lui arriver ici ? Elle m’a d’ailleurs rapidement rattrapé en courant. Les rochers abritaient de nombreuses familles de crabes, de la taille de la paume d’un main, verts, qui gambadaient. Je nous ai installé dans un petit coin d’ombre, sous un rocher. Et j’ai enfilé mes pa. J’ai fait attention aux réceptions, d’autant plus que le rocher était abrasif et friable ! Je me suis alors contenté de « voies » simples. Elles constituaient tout de même un joli défi dans ces conditions parfaitement inhabituelles ! Après une petite pause coquillage auprès de Cerise qui jouissait paisiblement de l’ombre, j’ai attaqué une traversée pour aller étudier la crique suivante que j’apercevais du sommet des blocs précédents. J’ai rebroussé chemin pour prendre Cerise avec moi, par d’autres chemins toutefois. Entre chemins abrupts, rochers acérés, lianes traînantes, racines débordantes et branches envahissantes, Cerise l’a prononcé elle-même : On est des explorateurs papa. Notre peine fût récompensée ! Si la plage précédente était magnifique, cette crique-ci était magique. Elle valait à elle seule le trajet jusqu’à Kannur. Nous avons pu profité de l’ombre d’un gros rocher, réellement au frais, pour nous attarder. J’ai attaqué ce gros bloc, celui qui se trouve en photo dans le Lonely Planet. Par des passages plus compliqués qu’auparavant. Le sable, ici, assurait une bonne réception. Le rocher était toutefois toujours aussi abrasif et j’ai abandonné les escalades dès mon défi réussi, car je collectionnais déjà de nombreuses petites blessures. Un jeune indien est passé par là et nous avons discuté longuement, agréablement, tapis dans l’ombre du rocher, jouant avec Cerise et ses petits coquillages.
Pour rentrer, ce fût une séance cardio, sous un soleil de plomb, avec Cerise sur les épaules, dans des ruelles grimpant vers le village. Le bus que nous y avons attendu était un de ces bus comme j’aime, plein de vie, d’odeurs, sauf que celui-là était plus que bondé et pas très agréable pour Cerise, qui s’est retrouvée assise entre deux inconnus pour une partie du trajet. Nous avons pu voir la ville de Kannur de jour, jusqu’à la gare routière. Nous y avons bu des jus de raisins (une variété très sucrée de petits raisins), mangé des samosas, une orange, des pâtisseries et trouvé l’horaire du bus pour Kalpetta demain. En rentrant à l’hôtel, nous avons assisté à une scène animalière inédite : une fouine pourchassait un crapaud paniqué !
Après une bonne heure à profiter de dessins animés dans la fraîcheur de la chambre, nous avons rejoint la piscine pour nous y baigner longuement (surtout Cerise). Nous y avons beaucoup joué, interrompu seulement par le Rennais. Cerise a fini par sortir elle-même de l’eau, le soleil couché. Nous en avons profité pour un dernier repas avant d’aller regarder un Dora à l’aide de la connexion internet disponible à la réception.

 

Kalpetta, le 1er mars, 18h45

J’ai posé mon sac à l’avant du bus, près du moteur, pendant que quelqu’un piquait la place que nous nous étions attribués. Nous sommes allés nous asseoir à l’arrière, puis sommes revenus prendre la place à côté du quelqu’un, le serrant bien. Ce n’était pas très confortable et nous avons fini par nous installer sur le banc, à côté de notre sac et du moteur.
Les paysages qui défilent m’hypnotisent, comme le feu. Tout deux répètent des plans incessamment, sans jamais être identiques. Les paysages étaient cette fois très varié. Soudainement, le bus a commencé à gravir péniblement des routes en réparations artisanales. Les éternels cocotiers, ont fait place à d’innombrables théiers, présentant des paysages tachetés. Ces théiers poussent dans toutes les pentes, par arbustes qui s’étendent formant comme des pois vert sur la terre orange. Quelques plantations de bananiers, une plantation de cannabis. Puis sur le plateau, près de Mananthavadi, des rizières et des pâturages. Hypnotisé, je n’ai absolument pas anticipé la durée du trajet, censé durer trois heures et comptant finalement cinq heures trente. Cerise, elle, s’est assez rapidement affalée sur moi. J’essayais de l’intéresser aux paysages en lui parlant des fleurs.
Nous formons un couple encore plus détonnant dans cette région plus rurale, plus reculée ou moins visitée. La ruralité est une manière de voir les chose, Mananthavadi, comme Kalpetta et Sulthan Bathery abritent chacune plus de vingt mille âmes et les quelques kilomètres qui les séparent sous parsémés de villes et de villages très animés. A Kochi et Kannur, les premières questions destinées à Cerise (Hello Baby, what is your name ?) étaient suivies de : Mother where ? Ici, pas de questions, des regards, de tous les contrastes, de toutes les luminosités. J’y vois souvent du questionnement, de l’incompréhension. J’ai demandé à Cerise d’être plus gentille avec les gens ici, même si elle en a marre d’être une bête de cirque. Elle fait un effort, dit aurevoir avec la main.
Nous avons trouvé une chambre et posé notre sac, j’ai pris une brève douche froide, avant d’affronter la ville pour y trouver à manger et des sandales pour Cerise (les siennes sont à la limite de la rupture) et pour moi (elles vont tenir encore un peu). Au coin de la rue, une « boulangerie » nous a rassasié et nous avons rapidement trouvé des chaussures aux pieds de Cerise. Des sandales de princesse, avec de petits talons plats, qui faisaient briller Cerise. Nous avons continué le shopping, j’ai acheté une balle de cricket, des médicaments ayurvédiques et un beau costume indien pour mademoiselle. En rentrant, nous avons provoqué l’hystérie en passant par le carré des bouchers et poissonniers, qui voulaient tous être pris en photo et manifestaient bruyamment leur plaisir de nous voir. Le système de caste semble plus présent en « campagne ».
Les chaussures la blessent déjà à plusieurs endroits et l’habit est trop petit. C’est la crise dans la chambre, nous allons essayer de réparer tout cela. Je me faisais justement la réflexion qu’elle n’avait encore pas fait de crise depuis que nous sommes partis.
La réserve naturelle pour laquelle nous sommes venus ici, afin d’observer des animaux sauvages a été fermée aujourd’hui à cause de trop nombreux feux. L’hôtel nous propose un circuit alléchant demain en remplacement, si nous sommes assez pour que ce soit rentable.
Le vendeur nous a donné un autre costume plus grand qui convient à Cerise qui l’a immédiatement revêtu avec fierté pour déambuler dans la rue principale, à la recherche d’un café internet.

J’aime beaucoup le hochement de tête délicat des Indiens, je le fais moi-même avec plus d’aisance et de plaisir chaque jour.

 

Kalpetta, le 2 mars, 8h15

C’est l’anniversaire de Caroline aujourd’hui. Cerise dort encore paisiblement, durant la nuit, j’ai vu le plaisir sur ses lèvres, un rêve qui devait être rempli de satisfaction. Elle est douée d’une grande observation pour les choses qui l’attirent. Elle repère immédiatement les fleurs et les cœurs dans le capitonnage des rickshaw, sur les affiches publicitaires, dans les différents articles des magasins. Elle n’est pas contente de l’organisation d’aujourd’hui, car elle n’a rien pu choisir où elle voulait aller. Elle n’a pas tout à fait tord, en même temps, il n’y a pas grand chose à choisir. Il s’agit avant tout de faire ce tour ou pas. Elle se réveille, je vous laisse.

22h44

Quelle journée. Nous avons déjeûné d’une pâtisserie à la noix de coco, d’un jus de mangue, d’un chaï et de succulentes petites bananes. Puis nous avons pris la jeep organisée, avec un couple d’Allemands. J’ai pratiqué mon allemand en mélangeant toutes les langues que je connais. La jeep nous a conduit, à travers des plantations de café, de thé, des poivriers, des arbustes à cardamome, jusqu’à une chute d’eau. Le plus ravissant était certainement de marcher un peu en nature. Bien sûr, l’eau était rafraîchissante et la chute belle à regarder. L’endroit dégageait une odeur de miel ( !) et regorgeait de fleurs qui suscitaient l’enthousiasme de Cerise. Elle a été décontenancée quand elle a compris que la grenouille que je lui désignant n’était pas verte, mais brune. Nous avons traîné dans cette végétation. Puis nous nous sommes rendus à la grotte préhistorique d’Edakka. La jeep parquée, nous avons commencé une réelle ascension. Nous avons croisé des singes sur le chemin pour notre plus grand bonheur à tous les deux. La montée ne s’arrêtait pas et j’ai pu constater après coup que, portant Cerise tout du long, j’étais déjà trempe à mi-parcours. Une autre séance de sport. Nous avons croisé beaucoup d’Indiens et pas de blancs. La grotte n’en était pas vraiment une, plutôt un amoncelement de gros rochers formant un abri que des hommes ont gravé il y a fort longtemps. Leurs représentations de l’homme différent beaucoup des peintures murales des grottes européennes. La vue sur les sommets environnants était imprenable. Nous sommes allés manger, un thali sur une feuille de papier, sorte de set de table vert. Ici, pas de couvert. Cela faisait longtemps que je n’avais pas remangé du riz à la main. Cerise s’en est plutôt bien sorti. Elle y a également découvert les toilettes à l’indienne. Nous sommes ensuite parti à la recherche d’éléphants sauvages que nous avons trouvé, près de la route. Les premiers étaient éloignés, Cerise n’avait pas envie de les regarder. Plus tard, nous en avons trouvé près de nous, très visible. Elle en avait assez des éléphants, elle était fatiguée. Pourtant le charme a opéré. Nous avons également observé des cerfs, des biches, un faon et de nombreuses vaches. Sur le chemin du retour, nous nous sommes arrêtés pour visiter les restes d’un petit temple jaïn datant du douzième ou du treizième siècle. La magie du lieu a complétement tourné l’humeur de Cerise qui s’est mise a dansé. Elle a chanté tout le reste du trajet en jeep jusqu’à l’hôtel, ou alors ri, joué avec les automobilistes qui nous suivaient. Certains prenaient des photos de nous tout en conduisant. Elle était assise sur moi, les jambes sortant de la jeep. Je la retenais sérieusement. Quelle énergie positive, quelle vie l’habitait à ce moment-là. Plus question de faire des compromis, de s’intéresser à elle ou à ses besoins, ses envies, c’était elle qui me tirait en avant. Cette belle humeur a duré quasiment jusqu’au coucher. Elle a choisi où elle voulait manger, ce qu’elle voulait. Nous n’avons pas pu envoyer de message de bon anniversaire à Caroline, la serveur principal était hors service pour la soirée. Ce sera pour demain, mieux vaut tard que jamais. Le personnel de l’hôtel est adorable. Nous avons réservé notre chambre avec vue sur le lac à Udhagamandalam.
J’ai eu assez de dépaysement. Je pourrais rentrer et profiter de ma famille en entier. C’est donc là que les vacances s’arrêtent pour faire place au voyage, et à son insécurité productive.

 

Udhagamandalam, le 4 mars, 7h27

Cerise est extraordinaire. Elle développe une autonomie spectaculaire. Hier matin, je l’ai laissée dans la chambre devant des dessins animés pendant que j’allais faire une session internet. J’ai fermé la porte à clef au cas où, et bien sûr l’intendance de l’hôtel, voyant la porte fermée, y a coupé l’électricité par l’interrupteur extérieur. Cerise ne s’est pas démontée et elle a rangé toutes les affaires pour le départ ! A sa manière, il y en avait dans les placards, elle avait mis le linge comme nappe sur la table, et aucun objet ne traînait. Elle était fière et moi aussi. Nous avions pris le temps de déjeuner et de nous balader un peu. Ma séance internet s’étant un peu attardé, il était l’heure de partir. Nous avons rejoint la station de bus où nous avons attrapé un bus pénible qui nous a emmené à Sulthan Batthery, sans passer par la gare ! C’est donc avec le gros sac sur le dos et Cerise sur mes épaules qui j’ai arpenté les rues de Sulthan Batthery à la recherche de la gare, que j’ai trouvée juste à temps pour prendre l’unique bus de la journée pour Udhagamandalam (Ooty). J’ai d’abord du asseoir Cerise à côté de deux jeunes filles heureuses et m’installer deux rangées derrière. J’allais régulièrement la voir, elle était à l’aise. Plus tard, alors que le bus commençait à monter à travers les plantations de thé, j’ai pu la rejoindre et nous avons admiré les paysages ensemble. Une forêt m’a particulièrement impressionné, dont les arbres semblaient vouloir me parler. A un arrêt du bus, Cerise a du faire un gros pipi dans des toilettes « spéciales » pour la deuxième fois en deux jours, elle n’aime pas. Dans les derniers kilomètres, j’avais mal à la tête et la nausée, j’ai du me concentré sur la route. Il ne m’était pas possible de jouer avec Cerise. D’abord fâchée, elle est revenue s’asseoir sur mes genoux pour contempler la vue, seule activité que je lui ai dit pouvoir faire avec elle. Adorable. Arrivés à Ooty, j’ai pris le temps de l’attendre et de l’écouter sur le chemin jusqu’à l’hôtel que nous avions réservé. Et ensuite, une fois dans la chambre, je n’ai plus été capable de rien, mal de tête intense, nausées, etc. Je suis resté couché en répondant parfois à Cerise. Je lui ai mis la télévision et elle s’est débrouillée comme une grande fille. Ce matin, après douze heures de repos, je suis à nouveau très fier d’elle et je lui dis que c’est un bonheur de voyager avec elle.
J’ai reçu un mail du directeur des Peupliers qui souhaite m’engager. La transformation des vacances en voyage, les changements possibles à l’avenir, ainsi que trop plein de soleil sur ma tête ont eu raison de moi hier. Aujourd’hui, je me sens d’attaque, je retrouve la gratitude qui a mouillé mes yeux dans le bus hier. Quelle chance j’ai, je peux faire découvrir une partie du monde à ma fille qui est adorable, autonome malgré ses quatre ans, j’ai une femme merveilleuse qui m’attend et deux autres enfants, un boulot passionnant, j’obtiens trois entretiens pour deux postulations et je peux profiter des beautés de ce pays incroyable que je visite en tout confort. Vive la vie.

19h11

J’ai déjà dit plusieurs fois que l’Inde est le pays des possibles, du lien entre les pensées et les actes. Nulle part ailleurs aussi fort qu’en Inde se produisent les choses auxquelles on pense. Je me rappelle avec croisé sur le chemin un Italien à Hampi dont la compagnie m’attirait et qui était justement venu me chercher, et une foule d’autres anecdotes. L’autre jour je parlais travail dans la jeep avec l’Allemande de mon boulot. Son copain est éducateur. Je lui disait être prêt à changer, lui ai expliqué qu’une adresse avait mon contact et m’appellerait certainement quand il y aurait un poste à repourvoir. Elle m’a dit que l’Inde signifiait souvent changement. La dernière fois que je suis venu ici, quels changements sont intervenus dans ma vie ! Alors que je voyais l’Inde s’être développée et avoir perdu une part de sa magie, la voilà qui revient. L’Allemande m’a dit que peut-être avaient-ils déjà appelé. Je lui ai dit que j’avais checké mes mails la veille et que du coup cela m’étonnerait. Et pourtant !
Je suis épaté comme Cerise s’acclimate ici. Elle n’a pas peur de la saleté (dit quand même qu’ils ne devraient pas jeter leurs déchets comme ça par terre), aime des chambres vieillottes par qu’il y a des fleurs dessinées sur le drap et n’a peur de personne. Elle grimace à qui elle veut. Par moment, ils m’emmerdent aussi certains de ces Indiens, à m’accrocher le bras, à demander pour une photo. Je leur explique que trop de monde veut la prendre en photo et qu’elle se sent comme un singe. Certains comprennent, certains insistent. D’un côté, c’est admirable, cette ouverture à l’autre, à l’inconnu, à l’inhabituel, ils pourraient aussi faire la gueule à ce demander ce qu’elle fait là, à se dire que cela ne se fait pas de voyager à cet âge. Cerise aimait bien notre dernière chambre, car il y avait des fleurs sur le drap, les coussins et la couverture était douce. Moi, je n’y étais pas trop à l’aise. Avec le prix, le personnel. Rien de concret et je n’en ai d’ailleurs pas besoin. Surtout pas ici. Nous sommes donc parti ce matin, après nous être lavés à l’écuelle depuis un bidon, à la recherche d’un meilleur endroit, à la recherche de l’endroit conseillé par les Allemands, qui affichait complet quand j’avais appelé. C’était plus loin que prévu. Une fois arrivé, Cerise une nouvelle fois sur les épaules parce que, entre autres, ses sandales ne lui tiennent plus correctement aux pieds, nous avons visité plusieurs chambres, un cottage privé, une chambre en bungalow que nous avons choisis. Je voulais prendre un rickshaw pour aller chercher nos affaires, mais n’en ai pas trouvé. Un chauffeur de jeep voulait deux cent cinquante roupies pour l’aller-retour. Un peu plus loin, une voiture s’est arrêtée pour nous embarquer. C’était le taxi pris par la famille que nous avions salué peu avant. Le petit enfant ayant un chapeau panda avait intéressé Cerise qui avait consenti plusieurs signes. Cette famille nous a donc emmené gratuitement jusqu’à notre hôtel. Sur le chemin du retour, j’ai compris que les chauffeurs de rickshaw étaient en grève aujourd’hui. Le même chauffeur de jeep qu’auparavant s’est arrêté et à finalement consenti à nous amener à la YWCA (Young Woman Christian Association) pour les trente roupies que je lui offrais déjà avant. Apparemment l’argent n’a pas la même valeur ici, dans la station d’été qu’en plaine. La chambre que nous avions retenue n’était en fait pas libre avant demain et nous logeons ce soir dans un cottage privé pour l’équivalent de 18 francs. Un grand espace à l’extérieur, avec des fleurs ( !), un salon avec télévision, une grande chambre et une salle de bain immaculé comme la conception. Cerise n’était pas contente elle voulait l’autre chambre avec les fleurs sur les rideaux (comme dans le cottage d’ailleurs), elle ne voulait pas de salon à côté de la chambre, elle n’ira jamais dans ce salon. Je le lui fait remarqué à l’instant et elle me répond qu’elle a réfléchi et changé d’avis ! Le cottage n’était pas encore propre, nous y avons laissé notre sac et sommes parti vers le centre ville en quête de nourriture. Nous sommes monté à l’étage dans un restaurant végétarien qui nous a présenté une carte fournie. Lors de la commande, ils n’avaient que les trois premières propositions, des déjeuners. J’ai commandé une sorte d’omelette aux pommes de terre. Cerise en a goûté et même apprécié la sauce. Ensuite, nous avons acheté du chocolat et sommes allé faire une bonne session d’Internet durant laquelle nous avons parlé à Hélène et Lea que nous avons d’ailleurs réveillées. Le propriétaire de l’endroit était à nouveau méfiant quand à l’utilisation de mon propre portable. Il a tout à coup annoncé que c’était l’heure de fermeture ? On verra s’il nous acceptera demain quand nous y retournerons car sa connexion était très bonne. Cerise voulait toujours allé faire du bateau. Je lui ai acheté de nouvelles sandales, dont certaines parties s’allument quand elle marche. Nous ne l’avions pas constaté avant et impossible de revenir en arrière du coup ! Je lui ai expliqué de le hangar à bateau était loin et qu’il faudrait qu’elle marche pour y aller. Que demain les rickshaws fonctionneraient à nouveau. Elle a décidé de marcher, heureuse avec ses nouvelles sandales qui sont clairement mieux que les dernières. J’ai demandé au vendeur d’évacuer les sandales roses cassées que nous avons pris depuis la Suisse et il m’a dit de les jeter dans la rue, que quelqu’un les y prendrait. S’en est alors suivie une longue et paisible marche dans la ville pour rejoindre la gare. Son guichet venait de fermer et devrons y retourner pour acheter notre billet. Nous avons continué notre chemin le long du lac jusqu’au complexe très fréquenté ce dimanche. Cerise a dévoré un épi de maïs. Nous avons passé trente minutes en pédalo sur le lac vert dans lequel on en voyait pas à 10 centimètres. Cerise était très contente. Ensuite nous avons flemmé à l’ombre un moment et discuté avec un couple de Chennai. Nous avons visité de Thread Garden en repartant. Un espace de quatre fois quarante mètre dans lequel sont présentées cent cinquante variétés de fleurs du monde entier. Des fleurs artificielles cousues. L’ensemble a demandé soixante millions de mètres de fil cousus par cinquante spécialistes durant douze ans. Un truc de fous, insensé, un peu comme le palais du facteur cheval. Quoique pire peut-être parce que le résultat est représentatif et peut-être imité à moindre effort. En effet, on ne recherche pas à montrer les lignes des fils, mais à ce que les fleurs aient l’air vraies. C’est d’ailleurs très réussi. Un truc étrange donc, dont je ne pouvais que saluer le travail et sa qualité, sans en comprendre l’engagement. Cerise, de son côté, était finalement ravie de voir des fleurs et se moquait totalement qu’elles n’était pas vivantes et qu’il avait fallu beaucoup de travail pour les faire. Nous avons sauté dans un bus pour rejoindre la ville, bu du chaï (chacun un) et mangé de la courgette frite. D’habitude, ce sont des bananes frites qui se présentent de cette manière et Cerise n’en veut pas. Aujourd’hui elle en voulait et c’est seulement pendant qu’elle la mangeait que j’ai constaté que c’étaient des tranches de courgette à l’intérieur. Je lui ai dit que ce n’était pas de la banane, et elle m’a dit qu’on dirait de la banane quand même. Pour ceux qui ne le savent pas, Cerise n’aime et ne mange pas de courgette. Nous avons encore acheté des raisins et de petites bananes, puis nous sommes rentrés tranquillement dans notre cottage. En allant chercher la clé à la réception, j’ai entendu des chants religieux. J’ai pris ma clé à la réception, où la dame de service était concentrée, le visage dasn ses mains jointes. En redescendant, je suis entré dans la salle où avait lieu la messe. La prêche extasiée en tamoul dans une salle remplie et dénuée de vouivre n’a pas réussi à me retenir longtemps. J’ai préféré déguster les fruits dans les rayons du soleil couchant avec ma petite Cerise à laquelle j’ai pu donné toute l’attention que je souhaitais aujourd’hui. Elle a trouvé une histoire de fées à la télévision qui fera office d’histoire pour ce soir.

Les fiches électriques ici ne sont pas les mêmes qu’au Kerala voisin. Mon adaptateur m’est utile pour la première fois. Ici, à deux mille deux cent quarante mètres d’altitude, il ne fait plus que trente degrés la journée. Cela peut paraître ridicule, pourtant ma peau le ressent à travers mes habits. Quand le soleil se couche par contre, la température descend rapidement jusqu’à douze degrés et il est temps de s’habiller. L’électricité est coupée de dix heures à midi et de seize à dix-huit heures. Ceux qui en ont les moyens ou le besoin s’offrent une génératrice.

 

Udhagamandalam, le 5 mars 2012, 18h08.

La journée a été venteuse et nuageuse. Il ne faisait pas vraiment chaud à l’ombre. Cela se rapporte au climat comme à moi-même.

Hier soir, les prémices d’un mariage, suivis des aboiements virulents d’une horde de chiens ont raccourcis ma nuit. J’ai en profité pour lire et écouter de la musique. Ce matin, Cerise était câline et j’en ai profité. Nous sommes allés déjeuner, nous sommes lavés, puis avons joué devant le cottage. Au réveil déjà, j’étais angoissé, je ne savais pas où nous allions aller en partant d’ici. J’ai regardé les différentes solutions sans en trouver de vraiment  agréable. Plusieurs options s’offrent pourtant. Ensuite, nous sommes partis vers la ville. Cerise a décidé d’aller au parc pour enfants. Elle y a fait un tour de moto, puis de tortue sur l’eau, a profité du toboggan, puis nous avons encore joué un moment à la princesse. Ensuite, je voulais aller réserver notre billet de train. Trente minutes de queue pour ne rien obtenir. Je sais juste que je ne peux acheter le billet que jusqu’à Mettupalayam et qu’après, il faudra recommencer. En même temps, cela nous laisse du temps pour nous décider quant à la suite.  Pendant que je patientais dans la queue, Cerise dansait sous la blanche moustache ébahie du chef de gare. En quittant la gare, j’ai pris Cerise dans mes bras, je lui ai dit que je n’avais pas de force, que je me trouvais nul, incapable de profiter et que j’avais envie de rentrer à la maison. Elle m’a répondu que non, j’avais quand même beaucoup de force et que je n’étais pas nul. Et qu’elle aussi aimerait rentrer à la maison. J’ai écris un message à Caroline pour lui demander s’il nous était possible de rentrer plus tôt et combien cela coûterait. Je suis partagé. Le voyage implique un travail sur soi, des moments désagréables, comme de grands bonheurs. Il nous demande autant qu’il nous donne. Si je suis prêt à l’assumer, certes bien moins qu’avant, je ne suis pas seul cette fois. Aujourd’hui, j’ai envie de profiter de faire de la peinture avec Cerise, de faire un gâteau, pas de me balader sous le soleil et d’être impuissant quand on lui pince les joues toutes les cinq à dix minutes dans la rue. Pas de passer des heures dans des transports publics, si beaux que soit les paysages. Je dois avouer encoresol que si je suis devenu passionné de l’Inde à ma première visite, je ne partage pas cet enthousiasme aujourd’hui. Je n’ai rien à faire ici, ma vie est ailleurs. Je saurais profiter de ne rien faire, de lire, et d’écrire. Et ma petite alors, qu’est-ce qu’elle fait, elle profite de regarder Chota Bheem à la télé ?
Nous avons pris un rickshaw pour un café européanisé dans lequel j’ai mangé un gros sandwich végétarien. Ensuite nous sommes rentrés en achetant des raisins, des bananes, une pomme.
Il fait déjà frais ce soir et la télévision ne fonctionne pas. Cela n’aide rien, d’où vient cette fatigue, cette faiblesse actuelle, de ma lecture, de la courte nuit, d’un manque de protéines, d’un manque de liberté solitaire, puisque je suis constamment accompagné de Cerise et de son regard différent, souvent enrichissant et parfois lassant ?
Je prévois de me coucher tôt et de voir demain si tout va mieux, si je retrouve la capacité de m’émerveiller.

21h01
J’ai passé un long moment avec Cerise pour son coucher, je suis plus apaisé et me sens plus confiant. J’ai moins besoin de connaître la suite des événements, tout en me réjouissant de quitter ce trou ou plutôt cette montagne.

Kanniyakumari, le 7 mars, 14h56

Tout en moi, éprouve de la joie, quand j’arrive vraiment, à vivre ici et maintenant, vivre la sérénité, saisir les opportunité, plus de vivacité, et de perspicacité /
Chaque instant, est un renouvellement, ressourcer le goût de la vie, un antidote à l’ennui, l’acte le plus banal, contient le bonheur intégral, le bien-être peut envahir, avec un regard un sourire /
Vivre vraiment, ici et maintenant, délivre des soucis, des rapports de force et de l’usure, favorise l’harmonie, la pertinence et l’ouverture, et permet que prospère, un esprit vif et clair /
Parfois je m’abrutis, à m’attarder dans le passé, à m’inquiéter de l’avenir, et je passe à côté de ma vraie vie, avec l’attention, c’est la satisfaction, du geste réfléchi, correctement accompli //
Tout en moi, veut assumer ses choix, vivre pleinement, ici et maintenant, pour avancer, vers le futur désiré, trouver ma liberté, une nouvelle énergie /
Je fais attention, j’écoute ma respiration, tout existe, uniquement dans le présent, que je cherche des pistes, ou que je dresse des plans, que je ressasse un conflit, ou que je souffre de nostalgie /
Tout en moi, éprouve de la joie, quand j’arrive vraiment, à vivre ici et maintenant, j’ai de la répartie, mon cœur s’épanouit, je me sens apprécié, et me fais respecter /
Vivre vraiment, ici et maintenant, est aussi simple, que de chanter du Boby Lapointe, la vie est un cadeau, débordant d’amour, un eldorado, à saisir chaque jour ///

J’ai écris cette chanson quelques semaines avant de partir, pourtant je préfère la placer ici, car arriver à vivre le présent est un des objectifs de mon voyage, avec ses difficultés et ses grandes réussites. Je me chante régulièrement cette chanson, pour m’y aider et aussi pour m’habituer à en enchaîner les paroles, pour gagner des automatismes lorsqu’il faudra y ajouter la contrebasse. Hier, lorsque je n’étais pas très bien et que je l’entamais, Cerise m’a dit : « la vie est un cadeau ». Elle a du l’entendre déjà pour la ressortir comme ça. Cette simple parole dans sa bouche, n’est-elle pas un autre cadeau encore ? Aujourd’hui, dans le petit train, alors que je l’entonnais à nouveau, elle s’est retournée vers moi : « Tu commences à l’accepter cette chanson, papa. » …… 

J’ai enfermé Cerise devant la télé ce matin pour aller rapidement chercher ces fameux billets de train, sans succès, encore une fois. De retour, nous sommes montés déjeuner. Et le monsieur qui travaillait semblait nous éviter. Après vingt minutes d’attente et qu’il ait servi six personnes arrivées après nous, je l’ai fixement intensément, dans tous ses mouvements et il a fini par venir. Il a prétendu ne pas nous avoir vu. Au final, nous nous sommes fait servir notre repas dans notre chambre, avant de nous laver, de boucler notre sac et prendre un rickshaw pour la gare. Comme il ne nous était pas possible de gagner Mettupalayam par le train, nous nous sommes contentés de Coonoor. La ballade était effectivement splendide et relaxante. La partie suivante, la descente à proprement parler devait être encore plus saisissante. Nous l’avons parcouru à l’intérieur d’un bus dans lequel il a fallu nous précipiter, pressés de toute part par des indigènes stressés qui me bousculaient outrageusement pour passer devant moi, malgré Cerise dans mes bras. Elle a dormi près de deux heures dans mes bras, dans ce bus. Malgré les fourmis et les douleurs là ou les barres métalliques pesaient sur mes muscles, ce fût un moment de grand bonheur. Au réveil, elle était de merveilleuse humeur.
De là où notre bus s’est arrêté à Coimbatore, nous avons pris un bus pour la gare routière de Gandhiburam, puis un autre pour la gare ferroviaire de Coimbatore Junction. J’y ai rapidement trouvé un billet qui nous emmenera plus tard à Kanyakumari. Départ prévu à minuit quinze. Il ne restait plus qu’à attendre sept heures. Nous avons acheté des fleurs pour les mettre dans les cheveux de Cerise. La dame s’en est occupé et y a ajouté des fleurs de jasmin. Ensuite nous sommes allés manger avec le couple franco-germanique déjà rencontré à Ooty. Je les ai aidés à trouver leur billet. Un agent de police, à qui j’avais demandé des renseignements, nous a escorté jusqu’au cinéma voisin, où nous avons regardé la fin d’un film tamoul coloré. Les horaires ne correspondaient pas bien pour le voir en entier. Par contre, l’expérience avec Cerise était bonne et je souhaite y retourner avec elle. Ensuite, nous avons entrepris une courte session internet interrompue brutalement par une coupure de courant et/ou par la fermeture du commerce. L’attente a alors vraiment commencée, plus que trois heures et demies. Cerise a décidé qu’elle dormirait dans le train, et pas avant. D’autres Français avaient également des difficultés pour utiliser leur billet. Je me suis mis à leur service. Ils croyaient que j’habitais en Inde !? Je me suis tout de même rendu compte que mon billet était en compartiment général, soit sans couchette et que le personnel de la gare ne pouvait pas me vendre d’autre billet. Il fallait trouver le chef du train à son arrivée pour améliorer la classe du voyage. Les Français avaient réussi à semer le doute dans mon esprit, tout s’est bien passé, si ce n’est le retard.

15h43

Oui, le retard. A minuit, le train a été annoncé avec trente minutes de retard, soit minuit quarante cinq. Vu l’état de fatigue de Cerise, admirable sous tous les autres aspects, c’était regrettable. Je lui ai promis une médaille de vraie voyageuse pour le lendemain. Ah oui, le train était censé partir à minuit quinze pour arriver à onze heures le matin. A minuit trente cinq, le train a été annoncé à une heure et quart. A une heure cinq, le train a été annoncé à une heure trente cinq. Cerise était incroyable, comme si elle avait fait ça toute sa vie, attendre des trains longue distance et les emprunter. Nous nous sommes rapidement assoupis dans le train. Réveillé à cinq heures trente cinq, puis sept heures trente cinq, levés finalement à huit heures trente. Nous avons mangé le reste des biscuits salés et des bananes, en buvant du chaï.  Nous avons peu contemplé les paysages, plus joué au mariage de Patate avec Minnie et à leurs anniversaires. Ah, oui, au réveil, Patate avait disparu ! Il était allé visiter le compartiment suivant, où nous l’avons retrouvé endormi. Le train est finalement entré en gare de Kanyakumari à treize heures et quelques minutes, vingt six heures après que nous aillons quitté notre cottage d’Udhagamandalam. Ce voyage vers la pointe sud de l’Inde a, j’en suis persuadé, quelque chose d’initiatique et j’ai refusé l’aide des chaufferus de rickshaw pour charger Cerise sur mes épaules et parcourir la petite ville a pied, jusqu’à l’hôtel que nous avons chois, avec vue sur la mer et les différents mémoriaux de la ville, tous situé en bord de mer. Une douche plus que bénéfique nous a requinqués pour quelques heures, avant d’aller manger. L’atmosphère ici me plaît, je sens que je vais y passer d’agréables journées, un peu plus mystiques peut-être.

20h17

La pleine lune nous accueille ici, où se rejoignent trois mers, la mer d’Oman, le golfe du Bengale et l’océan indien
Nous avons mangé un excellent tikka de poisson et de simples crevettes grillées, accompagnés de riz, légumes. Ensuite, nous avons visité la ville que j’apprécie déjà. Malgré quelques camelots insistants, elle est plutôt calme et détendue. De la taille de Bulle, quoiqu’un peu plus touristique. Nous ferons l’achat de quelques souvenirs pour nos proches au bazar dans les prochains jours. Je me réjouis de visiter plus amplement la ville demain. J’ai trouvé quatre café internet. Pour une raison que je ne comprends pas (sécurité ?), je ne peux utiliser mon propre ordinateur dans aucun. J’ai même essayé de le câbler, la connexion ne fonctionnait pas et aucun hôtel ne possède de wifi. Cela ne me fera pas de mal, et cela confirme mon impression positive selon laquelle Kanniyakumari répond à mes besoins actuels.

 

Kanniyakumari, le 8 mars, 23h11

Je me suis fait réveiller par un service de réveil de la réception à cinq heures du matin. C’était une erreur et c’était plutôt déplaisant. Il m’a fallu un peu de temps pour me rendormir, pas trop non plus finalement. J’ai hésité à ne pas me rendormir pour pouvoir m’en plaindre et finalement j’ai préféré le sommeil et la bonne humeur. Au réveil suivant, Cerise m’a accompagnée. Elle voulait aller à la plage, que nous avons trouvé en travaux pour neuf mois pour la rendre plus belle. Il y a du boulot et pas d’ouvrier présent, en tout cas aujourd’hui. Nous nous sommes rabattus sur la tour panoramique. Cerise se plaignait déjà d’avoir mal aux pieds et de beaucoup trop marcher. Nous avons longé quelques rochers pour remonter les ghats et rejoindre notre hôtel afin que Cerise puisse se reposer, selon sa demande. La télévision proposait le dernier match de la finale d’un tournoi entre l’Inde, le Sri Lanka et l’Australie. A défaut de voir un bon match en live (la série contre le Pakistan en Inde a été annulée un mois avant notre départ), au moins j’en aurai vu en direct à la télé. Une petite dizaine d’overs avaient été bowlés quand Cerise s’est finalement décidé à aller manger. Nous avons ingurgité quantité de jus de fruits frais accompagnés d’une pizza à la mode locale et de frites pour Cerise. Ensuite, nous sommes encore rentrés nous reposer et nous avons écrit des cartes postales que nous avons envoyé après notre visite à la poste. Puis, nous avons pris le ferry pour les îlots situé à quelques petites minutes de bateau et accueillant le mémorial de Vivekananda, un philosophe indien et moine errant, célébrant l’endroit où il venait méditer et où il a décidé de transmettre son message, mélange de dogmes hindous et de justice sociale. Contrairement à l’embarcation et à la traversée, l’îlot est très calme, sage, bien que très visité. L’atmosphère y est sereine et paisible. Je m’y suis senti bien et m’y serais attardé. Cerise aussi, un peu moins que moi. Il faut concéder qu’il est plus difficile de rester placide en étant une nouvelle fois une attraction. Certains demandent s’ils peuvent prendre une photo, certains l’agrippent, la forcent sur leurs genoux ou dans leur bras et lui demandent encore de sourire à l’appareil, alors qu’il est plus que visible qu’elle n’apprécie pas. J’interviens régulièrement. Parfois, ils se rendent compte par eux-mêmes et parfois je n’ai pas envie de leur expliquer. L’îlot est jonché de deux mandapas, le premier, plus restreint permet de faire des dons à une icône derrière une grille et le second, plus élevé abrite une statue et des colonnes gravées. Fort joliment d’ailleurs, avec des ornements qui ressortent en blanc sur une pierre foncée. Le fracas des vagues sur les rochers rythme nos errances. Je me suis dit que, quitte à être à la pointe sud de l’Inde, sur un îlot encore un peu plus au sud, autant aller à la pointe sud de l’îlot. Je me suis demandé si les îles Nicobar n’étaient pas plus au sud et surtout je me suis dit que je n’en ressentais pas la nécessité. Je me suis amusé de constater plus tard que ladite pointe sud de l’îlot était aménagée pour recevoir l’urine et les étrons des visiteurs, les toilettes. Alors que nous attendions le ferry pour le deuxième îlot, Cerise se plaignait de l’attente, malgré une grande attention portée au déchargement d’un autre bateau. Nous ne sommes alors pas arrêtés sur celui qui loge une statue de quarante mètre et cinquante centimètre (cent trente trois pieds) du poète tamoul Thiruvalluvar qui a nécessité l’ouvrage de cinq mille sculpteurs. Nous avons plutôt mangé une glace avant de profiter du toit de l’hôtel, de sa piscine et du coucher de soleil. Cerise a un plaisir fou à se baigner dans une piscine. Celle-ci n’est pas adaptée aux enfants et je l’ai portée. Elle n’a pas eu de peine à s’y amuser assise sur les escaliers, ni plus tard, après que je sois sorti et que je lui en ai montré la possibilité, à faire des aller-retour accrochée à la rambarde. Ensuite, elle voulait jouer et nous sommes partis un peu tard manger. Elle était déjà fatiguée. De plus notre session internet s’est éternisée parce que les connexions ici sont vraiment pourries. Non seulement, il m’est impossible de me connecter avec mon propre ordinateur, mais en plus il faut vraiment être patient. Comme je n’avais pas la frite lors de la dernière mise à jour des infos pour les proches, et que je ne peux pas donner de nouvelles depuis, certains s’inquiètent. Ma mère a écrit pour me remonter le moral, c’est chou. Hélène aussi se réjouissait de connaître la suite pour être rassurée. Elle me dit que beaucoup me demande des nouvelles. En tout les cas, j’ai du plaisir à savoir que je suis lu et que plusieurs personnes suivent notre périple que je partage avec un grand plaisir. Et bien oui, le voyage comporte ces moments difficiles et ce sont justement ceux-là qui me font grandir au final. Peut-être est-ce paradoxal, pourtant ce sont ces moments que je suis venu rechercher ici, autrement je serai allé sur un plage de Thaïlande ou ne serait plutôt pas parti seul avec un de mes enfants. Moi-même je sais très bien que ma quête de vivre le présent mérite des vagues, des difficultés si je veux m’y améliorer. Tout va bien, je me sens bien ici, je suis paisible et je n’ai pas besoin de réfléchir plus loin. J’ai l’impression de me poser enfin et de ne pas avoir besoin de connaître le lendemain, ni de vivre de l’exceptionnel. Laisser le rythme de la vie m’envahir simplement.
Cerise commence à manger indien. Même si elle refuse toujours les sauces, elle sait dire papad, chappati, thali, chai et goûte mes plats. Elle dansait en rentrant du restaurant et s’est effondrée dans le sommeil aux premiers mots de « la belle et la bête ».


Kanniyakumari, le 9 mars, 6h53

Réveillé par le besoin d’une évacuation liquide, multiple et malodorante, j’ai profité pour me rendre sur le toit de l’hôtel. En compagnie de touristes indiens, j’y ai apprécie un lever de soleil paresseux et voilé. Kanniyakumari est un des rares endroits où on peut voir le soleil se lever et se coucher sur la mer. Cerise dormait profondément.

20h56

Me voilà fourbu après une bien riche journée. Je suis parti à la recherche d’un cordonnier sur la rue principale avec les sandales de Cerise et les miennes. Il m’a dit de repasser dans une heure avec cent cinquante roupies (un peu moins de trois francs suisses). Je suis allé manger avec Cerise un masala dosa avant d’aller chercher les chaussures. Ensuite, nous sommes parti pour le parc aquatique voisin, nommé « Baywatch ». Nous n’y avons trouvé ni David Hasselhof, ni Pamela Anderson, plutôt des centaines d’écoliers. Le parc était grandiose. La propreté et les finitions étaient … indiennes. Sinon, les installations étaient ingénieuses et ludiques. Nous avons d’abord profité longuement d’une grande piscine à vagues, sans vagues activées, seuls. Cerise y avait son fond sur la majorité de la longueur et nous avons pu nous amuser beaucoup plus librement qu’hier dans la piscine de l’hôtel. Puis nous sommes montés vers la piscine des enfants, peu profonde et pourvu d’une structure centrale crachant de l’eau et accueillant des toboggans. Sur un des côtés de plus grands toboggans attendaient.  L’employée a en fait allumé le système pour nous. Au début, les toboggans glissaient peu, ensuite, ils fonctionnaient mieux et nous avons également compris la technique à utiliser. Nous avons passés de super moments. Quand je suis sorti de l’eau, les employés du parc voulaient que nous allions essayer de plus gros toboggans encore un peu plus haut. Cerise s’amusait toujours très bien et nous n’étions pas pressés. Par ailleurs, elle n’avait toujours pas voulu m’accompagner dans celui qui passait à l’intérieur de la structure, comme dans un tunnel. Plus tard, nous y sommes allés. Ils voulaient envoyer Cerise, l’air de rien, sur des toboggans que je n’osais pas descendre moi-même. Bon d’accord, je ne suis pas une référence, un rien me fait peur et je déteste être secoué. Ils nous ont alors envoyé à l’étage supérieur. Rebelote. Encore pire. Il y avait un toboggan jaune dont la pente était plus douce et tournante, à descendre à deux en bouée. Cerise voulait y aller ! Je l’ai donc accompagné, pas rassuré, et assurant mon rôle de père confiant. Oui, l’expérience était chouette. Cerise a tout de même eu peur. Je suis remonté chercher notre sac. D’en-haut, je pouvais voir les employées chasser Cerise pour la porter et elles n’arrivaient pas à l’attraper. L’attraction suivante était un grand disque coloré sur lequel était simulée un pluie tropicale sur fond de musique indienne survoltée. Cerise y dansait, je l’ai rejointe. Nous avons dansé de nombreuses minutes, la joie fendant nos visages épanouis. Quand j’ai fini par me lasser, Cerise est restée, bientôt envahie d’Indiennes émerveillées. Cerise se battait pour faire respecter son espace vital. Non, elle ne souhaite pas se retrouver dans des bras inconnus le temps d’un photo toutes les minutes. Elle veut danser. Plus qu’autonome, elle est indépendante. Quand nous sommes retournés à la piscine à vagues, j’ai constaté que j’avais oublié mes lunettes au bord de la piscine des enfants et que juste avant que nous la quittions, une multitude d’écoliers s’y étaient jetés. J’ai cherché, fait le tour des attractions plusieurs fois, demandé à tout le personnel. Une belle paire de Ray-Ban authentiques devait faire envie. Malheureusement pour celui qui les a prises, elles corrigent la vue et lui seront inutiles. J’ai prié St-Antoine de Padoue (ne lui dois-je pas encore deux francs ?) A un moment, j’ai pensé pouvoir élucider l’énigme de sa disparition, par des ressentis inconscients. J’ai trouvé un chouchou qui plairait à Cerise et je l’ai pris. Puis je l’ai ramené rapidement. Il n’y avait aucun rapport, aucune compensation à espérer entre les deux objets. Je me suis dis que s’il était toujours là quand nous partirions, car il avait tout de même bel et bien l’air abandonné, alors je le prendrais. Nous sommes retournés du côté de l’entrée du parc, du côté des manèges. Alors nous avons traversé le tunnel fantôme, Cerise fermement accrochée dans mes bras. Elle a eu peur. Nous avons tourné dans des éléphants, équivalents de nos avions de fête foraine, dans des tasses de thés qui tournaient également sur elle-même selon les impulsions que nous donnions sur le volant central. J’avais déjà la tête qui tournait et j’étais content de laisser Cerise tourner seule sur les chaises. Puis retour sur la piste de danse. Je me suis dit que ces moments de bonheur valaient bien une paire de lunettes et j’ai lâché prise. Retour à la piscine des enfants. Cerise a accepté de descendre avec moi le toboggan tunnel, génial. Puis elle a encore joué seule éternellement, presque jusqu’à la fermeture du parc. Nous avons encore juste eu le temps de profiter du train de « Baywatch » et de faire un deuxième tour dans le tunnel qui fait peur, à la demande de Cerise, toujours dans mes bras, moins apeurée. A la sortie, j’ai consigné, sans grand espoir, que si quelqu’un trouvait mes lunettes, il appelle l’hôtel TriSeas à Kanniyakumari. Nous avons passé cinq heures trente dans le parc. A la sortie, de nouvelles jeunes filles et de nouveaux jeunes hommes s’en prenait à Cerise. L’arrivée d’un rickshaw nous sauva. Nous sommes ensuite allés ensuite mangé un repas trop cher, lire et envoyer quelques e-mail (la connexion était meilleure ce soir), acheté des cadeaux pour Hélène et au lit.  Ce soir, alors que j’écris, elle me parle à nouveau du train fantôme et je lui répète que les objets étaient fait de plastique, comme nous l’avons détaillé notre de notre deuxième passage. Elle me dit que cette grotte est pour les adultes. Je constate en règle générale, quand je suis à son écoute, quand elle un grand sens de l’observation, qu’elle est bien plus visuelle que je ne le croyais.

Annoncées par la diarrhée matinale, les crampes d’estomac sont arrivées ce soir, accompagnées d’évacuations fréquente et de nombreuses éructations. Je garde la confiance pour que cela se règle naturellement, bien plus vite qu’il y a treize ans.


Kanniyakumari, le 10 mars, 21h45

Le programme de la journée était très léger. Ce qui est une bonne chose, car cela permet de profiter de ce qui se présente. Et une nouvelle fois à Kanniyakumari, la journée est passé très vite. Nous sommes d’abord retournés chez le cordonnier pour qu’il finisse de coller les semelles des sandales de Cerise qui se décollaient maintenant légèrement à l’arrière. Nous avons rompu notre jeûne nocturne dans une gargotte fréquentée exclusivement par des indiens, avec d’excellents chappatis au beurre. Puis contre l’avis de Cerise, nous sommes allés visiter le temple de Kumari Amman, principale attraction de la ville. Selon la légende, la déesse Devi, vierge (kanya), vainquit seule les démons et rendit au monde sa liberté. Les pèlerins affluent pour la remercier. Cerise, elle refusait d’y aller depuis notre arrivée. Je lui ai proposé la visite chaque jour et chaque jour elle a refusé. Je lui ai expliqué que j’en avais très envie et que nous vivions le dernier jour où nous en aurions facilement la possibilité, puisque nous allions partir le lendemain. Elle a accepté. Puis a marmonné souvent qu’elle était agacée de devoir enlever ses chaussures, elle s’était lavé les pieds et ne voulait pas le refaire. Pourtant, elle ne s’était pas lavée depuis la veille. Tout de même, elle ne voulait pas se laver les pieds tous les jours. Les Indiens se baignent pour la plupart complètement habillés, même dans un parc aquatique comme Baywatch. Par contre, pour visiter le temple de Kumari Amman, les hommes doivent enlever leur chemise. Torse nu, j’ai parcouru le chemin organisé à l’intérieur du temple où se mêlaient lingams, odeurs d’huiles parfumées, fleurs, sculptures, pigments rouges, troncs de donations, pèlerins pressés, ornementations murales et une vouivre lourde comme l’encens (qui n’y brûlait pourtant pas). Je sentais l’énergie envahissante des prières centenaires dans un tourbillon enivrant. J’ai pu attirer l’attention de Cerise sur les certains décors, sculptures et couleurs. Quant mon attention à elle faisait place à l’attention à mon environnement immédiat, reprenait la litanie des chaussures et des pieds sales. A la sortie, nous avons longé la mer et nous nous sommes abrité du soleil sous une construction en pierre ressemblant à un vieux marché couvert (sous les halles à Bulle, par exemple, sauf qu’il n’y avait que le toit). J’y ai discuté de tennis et de cricket avec deux jeunes habitants de Chennai, tandis que Cerise grignotait un épi de maïs froid. Une foule se baignait sur la minuscule plage en-dessous. Sur le chemin du mémorial Gandhi voisin, j’ai acheté des films et de la musique indienne et ai répondu à un sondage d’une aspirante en tourisme. Cerise a bien aimé visiter le mémorial de Gandhi, je lui parlais du personnage depuis notre arrivée à Kanniyakumari. Je suspecte pourtant la couleur rose du bâtiment d’être plus importante que mes explications. Quoique après que lui aie présenté le Mahatma sur une photo, elle l’a reconnu sur les autres, à différents âges. Nous sommes rentrés nous reposer un moment à l’hôtel, qui avait reçu un appel de Baywatch disant qu’ils avaient retrouvés mes lunettes. Nous nous sommes donc précipité sur le premier rickshaw venu pour aller les récupérer. Ce n’étaient pas mes lunettes, mais les lunettes pour enfant que j’avais déjà vue hier. Nous nous sommes donc reposés un moment, comme prévu, avant d’entreprendre la dernière activité planifiée de la journée, nous rendre à la gare pour y acheter notre billet de train. Et bien, il faudra l’acheter directement demain. Au moins, nous connaissons l’horaire des trains en partance de Kanniyakumari et qui s’arrêtent à Varkala : cinq heures trente et dix heures trente, c’est tout. Sinon, il doit y avoir de nombreuses possibilités en bus. Je préfère le train. Nous sommes restés une petite heure à la gare, paisiblement, à siroter du jus de pomme et du chai, à manger des bananes et à observer une quinzaine de Japonais. Deux filles sont venues jouer avec Cerise, et pour une fois, elles étaient douces. Sur le chemin du retour, le troisième bancomat m’a craché les billets désirés. J’ai demandé à Cerise si elle voulait aller regarder l’église qu’elle trouvait belle depuis le bateau l’autre jour. Elle voulait. Nous avons mis du temps à y parvenir, parce qu’auparavant des jeunes jouaient au cricket et que j’ai voulu m’y arrêter. Ils m’ont proposé de jouer et j’ai accepté. J’ai ainsi pu batter pendant presque une heure, m’inquiétant régulièrement de Cerise qui mangeait le reste de son maïs entourée d’enfants. Quelle perle cette fille. Je crois qu’elle ne s’est pas ennuyée, en tout cas, elle ne m’a rien dit, ni pendant, ni après. L’église était très kitch. Des sœurs chantaient, assises à même le sol, comme la plupart des croyants présents, comme Cerise et moi. Cerise avait elle aussi envie de chanter, comme souvent. Nous ne nous sommes pas attardés, pourtant Cerise était très contente, elle l’a trouvé très belle, cette église et était ravie d’y être allée. Nous sommes repartis par des rues inconnues, traversant un quartier d’habitation aux couleurs parfois pétantes, loin des ribambelles de magasins qui constituent la partie touristique de la ville. Ces ruelles nous ont emmenés au port. Certains pêcheurs réparaient leurs filets, alors que d’autres, en ayant déjà terminé, jouaient aux cartes, assis par terre, à l’ombre de leurs embarcations. Illuminés par cette ballade revigorante, nous sommes rentrés à l’hôtel un petit moment. Puis nous sommes allés manger, et nous nous sommes couchés car la journée était déjà terminée.


Varkala, dimanche 11 mars, 22h03

Il pleut ! Oh, pas bien fort, quoiqu’on aurait pu penser au début d’un orage tropical il y a quelques minutes. Quelques gouttes éparses chutent encore des feuilles. Ce matin, nous avons quitté Kanniyakumari par le train de dix heures trente, via Thiruvanantapuram. Le trajet a duré un peu plus de trois heures, ensuite nous avons pris un bus et un rickshaw pour nous échouer dans une chambre très propre, seuls dans une maisonnette très calme au milieu des palmiers, à quelques pas pourtant des falaises qui dominent la plage. L’endroit est peuplé de touristes, accordant un répit bienvenu à Cerise, qui est bien moins incommodée ici. L’ambiance n’a rien à voir avec nos destinations précédentes. Nous jouissons d’un coin touristique exemplaire, aux pris élevés. La plage principale, bien peuplée, laisse toutefois largement assez de place pour s’y installer sans désagréments. L’endroit est charmant, les falaises saisissantes et l’atmosphère détendue. Cela passera très bien pour un jour ou deux, pour profiter de la mer. Cerise a toujours peur des vagues, je ne lui ai demandé qu’une fois si elle voulait venir se baigner avec moi. Elle joue dans le sable inlassablement, avec entrain et un plaisir certain. Nous avons mangé de l’excellent poisson, profiter pour mettre à jour le site pour les proches et essayé d’obtenir des nouvelles de la famille.

 

Varkala, lundi 12 mars, 20h53

Tout de même, c’est la deuxième paire de lunettes identiques que je me fais voler à l’étranger. Il faut croire qu’elles sont bien. Je me disais aussi que, quand trois heures de train entre Kanniyakumari et Varkala passent plus vite qu’une demie-heure entre Bulle et Fribourg, c’est que l’appréciation du temps a changé. Nous sommes partis ce matin à la découverte des deux plages situées plus au nord. Elles étaient effectivement plus tranquille, sans être plus belles et surtout plus resteinte, d’autatnt plus que la marée était haute. En chemin, nous avons été appelés par les Français croisés à la gare de Coimbatore. Cerise était contente de les voir. Elle se gênait, et leur a parlé. De jeunes français à leur table disaient avoir entendu parler d’elle. Ne connaissant pas mon prénom, ils m’avaient surnommé Gâteau, car ils se souvenaient de la Cerise sur le Gâteau. Cela m’a plu, je les en remercie. Pour nous désaltérer, ou pour manger (des momos ce midi, spécialité tibétaine), nous profitons de fauteuil en osier (ou plutôt bambou ?) faisant face à la mer. En réalité, je regarde autant, voire plus, les touristes moches qui déambulent que les vagues qui se brisent. Oui, les touristes me semblent pour la plupart moches. Ce ne sont que des projections bien sûr, ils me semblent dans des jeux d’apparence, de savoir-faire. La sensation que je ressens se retrouve assez bien dans « Creep » de Radiohead : « What the hell I’m doing here, I don’t belong here ». Je n’appartient pas non plus à l’Inde, c’est vrai. Pourtant je me sens plus proche des Indiens, nantis évidemment, que des plagistes de Varkala. Aussi, suis-je assez satisfait que Cerise veuille partir dès demain. Le ciel est resté couvert presque toute la journée, offrant un peu de fraîcheur malgré l’humidité suintante. Quant nous avons atteint la plage, il s’est mis à pleuvoir, cela m’a rappelé la remarque de Cerise hier soir, quand je lui ai dit qu’il pleuvait, elle m’a répondu simplement : c’est la mousson. L’averse fine et brève à nettoyé la bande de sable de nombreux corps affalés. Les vagues sont redoutables ici et le ressac me tirait vers le nord avec une vigueur impressionnante. Cerise à mis les pieds dans l’eau et à fait pipi dans l’eau un peu plus tard, toujours pas rassurée. Elle a joué longuement dans le sable, j’ai fait un château qu’elle a écrabouillé plus tard avec plaisir, un trou et des dessins dans le sable. Elle remplissait sa robe de sable. Nous avons parlé avec Hélène et Lea. Regardé des « Tom&Jerry » et nous sommes couchés de bonne heure, car nous souhaitons attraper le bateau de dix heures trente à Kollam.

 

Alappuzha, le 13 mars, 20h45

Cerise a mené le bal hier soir, jusqu’à près de minuit ! Je me suis réveillé dans la nuit, puis à sept heures moins quart, pour me laver encore, préparer le sac. Cerise s’est réveillé au moment idéal pour s’habiller tranquillement. Nous avons pris un rickshaw jusqu’à la gare ferroviaire de Varkala Sivagiri. Nous y avons attendu quelques minutes le train local qui nous a conduit à Kollam en quarante minutes pour quatre roupies (entre sept et huit centimes). Là, pas encore descendu de la passerelle qui domine les différents quais, les rickshaw-wallah se pressaient déjà pour nous emmener à l’embarcadère. J’ai voulu résister et prendre le rickshaw dans la file, comme tout le monde. Même les Indiens et les conducteurs dans la file m’ont dit d’aller avec le rabatteur. Son prix était correct, alors bon…
A l’embarcadère, je suis allé chercher quelques vivres pour le trajet. Il restait bien plus d’une heure à attendre le départ du bateau. Il n’y avait qu’un train qui arrivait à temps à Kollam. Un jour de plus parmi les touristes. A part les quatre membres de l’équipage, le bateau n’accueillait que des Blancs. Je sais maintenant pourquoi je les trouvais si laids à Varkala, et sur le bateau, pour la plupart. La vie semble avoir déserté leurs visages indifférents, les sourires sont aussi fréquents que les chutes de neige. Et le contraste avec les Indiens, l’amabilité et la serviabilité de la plupart d’entre eux est saisissant.
Ce devait être un grand moment pour Cerise, qui parlait de bateau depuis que nous avions navigué entre les îles de Kochi. Toute la journée sur les backwaters du Kerala, ces étendues d’eau et canaux plus ou moins étroits qui serpentent entre Kollam et Kochi. Cerise, trop fatiguée pour en profiter, ne voulait plus passer toute la journée sur le bateau, une fois partis … Les paysages étaient souvent splendides, les embarcations et les maisons colorées, en faisant abstractions des déchêts qui jonchent l’eau et les rives. Par contre, sur le trajet principal, à bord d’un bateau d’une capacité de nonante personnes, la variété des endroits visités n’attire pas l’œil en permanence. De nombreux collègues lisaient ou dormaient de longues tranches de ce parcours de huit heures. Nous nous sommes arrêtés pour un très bon thali. Plus de la moitié des occupants s’est renouvelé au seul arrêt proposé, à l’ashram de Matha Amrithanandamayi, surnommé Amma. Elle est connue pour être une des rares femmes gourou d’Inde et pour ses bénédictions qui durent toute la nuit durant lesquelles elle étreint des milliers de personnes. D’ailleurs, cet ashram a plus de deux mille résidents permanents, qui paie chacun deux cent cinquante roupies par jour, pour être nourris, logé dans d’affreux hlm rose complétement hétéroclites au milieu des cocotiers et du lait matin et soir, le lait de la mère. Un français rencontré en gare de Kanniyakumari, avec un petit air de Patrick Dewaere, y a passé une journée avant de se retrouver sur le même bateau. Il m’a parlé d’une véritable secte, avec ses pires clichés. Amma était présente, et les résidents se dépêchaient pour être le plus près d’elle pour les méditations, au terme desquelles ils chantent la gloire de la mère qui gouverne tous les mondes. Pour lui, il n’y avait aucun doute sur la symbolique de la mère, la mère c’est elle et elle est considérée comme une déesse. Il n’a pas reçu ou recherché ses enseignements, qu’il concède pourtant devoir exister puisqu’autant de gens la suivent avec frénésie. Les journées sont rythmées par un horaire très précis et des règles indiscutables, telle pas de tabac, d’alcool, de bruit après telle heure, etc. Il y a un super accueil pour les enfants et toutes les langues européennes y sont parlées. Pour moi, la mère qui étreint sonnait plutôt bien. De toute manière, je crois que l’important dans tout enseignement spirituel n’est vraiment ce qui est donné, théorisé, mais comment il est perçu et ce qu’il apporte à au disciple. Sunil, un des membres de l’équipage, assis à mes côtés pour bavarder, m’a demandé ou nous avions acheté le chouchou que portait Cerise, en anglais bien sûr. Je lui ai répondu : à Kanniyakumari. Et Cerise s’est retournée pour me dire : non, on l’a pas acheté, on l’a trouvé. ! D’autres réactions similaires sont arrivées, quoique moins flagrantes. Elle comprend donc assez bien l’anglais de base ! J’ai vu un serpent nager, il devait être à trois mètre de moi, et du bateau, quand il a fait demi-tour. J’ai eu le temps de comprendre qu’il s’agissait d’un serpent quand il a détalé, il devait être gris avec des dessins noirs. Nous avons observé, outre les cocotiers, manguiers, bananiers, nénuphars, des fleurs nombreuses et une faune différente. Ces oiseaux blancs, qui ressemblent à des ibis, des noirs, des rapaces, perchés sur les poteaux qui indiquent les zones peu profondes, des canards, des dindes. A un moment nous avons croisés des milliers de canards rassemblés. Peut-être suivaient-ils leur Amma ? Jusque là épars, je n’avais jamais vu autant de canards en même temps. A la pause de l’après-midi, mon gobelet de chaï s’est plié et est tombé de ma main. J’ai eu le réflexe de jeter mon ventre dessous pour épargner Cerise, qui en a tout de même reçu un peu. L’équipage a volé à son secours pour la mouiller et qu’elle n’ait pas de brûlure, avant que j’aie pu moi-même agir. Alors elle a pleuré, déjà qu’elle avait reçu du chaï, maintenant des étrangers la portaient, en plus pour la mouiller. Après l’avoir en partie consolée, je me suis enquis de son désir de boire en allant lui chercher un mirinda. Et voilà mes gaillards qui la remettent sous l’eau ! Elle s’est fait attaquée par des fourmis rouges ! Cerise pleurait, ils croyaient qu’elle avait mal. Elle pleurait parce qu’elle avait été lavée deux fois. Je lui ai promis qu’elle n’aurait pas besoin de se laver ce soir, mais demain. Elle a dit avoir froid, toute mouillée, je lui ai proposé de se mettre au soleil dans le bateau qui repartait déjà. Elle ne voulait pas et n’avait plus froid. Nous n’avons pas fait long à sécher, dans le vent tiède engendré par l’avancée du véhicule. A l’arrivée à Alappuzha, les rabatteurs piaillaient avant même l’arrêt du bateau, nous tendant des cartes de visites. Nous nous sommes arrêtés un instant et finalement, j’ai laissé Cerise choisir parmi les propositions. Ici, les prix semblent bas et la concurrence hors saison bat son plein. Nous nous retrouvons dans une chambre surévaluée par rapport aux autres propositions, chez des jeunes qui prônent la liberté et la fête. L’endroit aurait été génial il y a treize ans. Aujourd’hui, la chambre est correcte, il y a des fleurs dans les allées et Cerise dort un peu plus vite que si nous étions parti à la recherche d’un meilleur endroit pour nous. Le voyage, qui m’attirait tant et que j’ai attendu toutes ces années, me fait toujours rêver, pourtant il ne fait plus partie de ma réalité. L’expérience réalisée il y a treize ans reste une des plus importante de ma vie, elle m’a permis de me construire. Aujourd’hui, je me sens plus construit, et ma vie n’est pas ici.
Je dois sortir pour bénéficier d’un bon wifi, les jeunes fument et regardent la télé, un autre joue « Blackbird » et « les portes du pénitenciers » sur une guitare mal accordée, il y a des moustiques, à part ça l’endroit est assez roots.

 

Alappuzha, mercredi 14 mars, 19h50

Ce matin, j’avais envie de changer de chambre. L’espace sous la porte qui menait chez nos voisins, l’absence de personnel pour me donner des informations, le wifi qui ne fonctionnait que dans l’endroit infesté de moustiques. Nous avons pris un rickshaw pour un autre hôtel et obtenu une chambre moins chère, pas plus grande et dans un architecture plus traditionnelle kéralaise. Les Kéralais sont par ailleurs le premier peuple à avoir élu démocratiquement un gouvernement communiste en mille neuf cent cinquante sept et le reconduisent depuis. Bien leur en a pris, puisqu’ici, il n’y a pas de mendiants, pas de misère apparente. Il s’agit de l’état le plus socialement avancé de l’Inde, d’après les économistes locaux. Le taux de mortalité infantile est d’un cinquième de la moyenne nationale et l’espérance de vie de dix ans supplémentaires ! Nous sommes partis ensuite à la recherche d’une casquette pour moi et d’un cordonnier pour les sandales de Cerise (encore !). J’ai effectué une brève visite du temple principal, avec des portes-bougies dégoulinants d’huile, une statue aux yeux exorbités couvertes de fleurs. J’y ai observé des offrandes en échange de bénédictions de pigments et fleurs sur papier journal. Dans la vaste cour du temple trônait quelques autres autels et au centre, plusieurs personnes décomptaient les offrandes. Puis nous sommes allés à la mer, sur une très belle plage, à l’extérieur de la ville. Cerise y a ramassé des coquillages. Nous nous sommes reposés un moment dans notre chambre au retour, avant de partir acheter des habits brillants, souvenirs pour Alice et Lea. Je suis ensuite allé chez le barbier. Après m’avoir rasé avec une belle lame, le beau moustachu m’a fait un massage de la tête. Ensuite il m’a proposé un massage du visage et j’ai dit d’accord, je ne profiterai pas des massages ayurvédiques du cru, alors au moins un petit massage de Barbier. J’ai constaté en cours de route, et aussi lors du paiement, que j’ai eu droit à un soin du visage complet, digne je pense d’une esthéticienne, par un beau moustachu avec un point rouge et jaune sur le front.  Acheté une nouvelle robe pour Cerise et retour à l’hôtel juste à temps pour partir au cinéma. En chemin, Cerise a vu un temple hindou tout coloré qu’elle a envie de visiter demain ! Jusque là, elle refusait de les visiter. Le cinéma était obscur et défoncé. Du balcon, nous voyions la salle aux sièges réellement démolis. Pas par une usure commune, non, elle semblait avoir connu une émeute meurtrière. Le film « Spanish Masala », en malayalam, devait être drôle, puisque le public clairsemé riait, par contre pas trace des danses recherchées. Cerise s’est dit ennuyée assez rapidement et nous sommes partis dessiner et écrire à l’hôtel. Pourtant j’étais heureux de me trouver dans ce cinéma à ses côtés, comme je me suis senti heureux quand elle était abandonnée sur mes genoux dans le rickshaw, ou sur mes épaules cet après-midi.

Kochi, jeudi 15 mars 2012, 21h20.

Cerise m’a réveillé tôt  pour que je joue avec elle. Mes options professionnelles m’avaient travaillé et quelque peu empêché de passer la nuit réparatrice que j’escomptais. J’ai embrayé mon sourire pour la journée et joué à la Barbie avant d’aller manger. Après nous être lavés, nous sommes partis visiter les deux temples voisins. Le premier avait l’air assez récent, était tout coloré, Cerise l’a adoré. L’autre temple, vis-à-vis, était moins criard et suintait plus.  Nous nous y sommes arrêtés quelques minutes sur la dalle avant de sortir. Les dames tentaient de refiler au moins une des deux bananes contenues, avec les habituelles fleurs et pigment rouge, dans le « paquet » de bénédiction offert contre l’offrande des croyants. Ensuite, nous avons embarqué à bord du ferry de bois peint en bleu clair qui nous a transporté, en compagnie des indigènes, jusqu’à Kottayam. La première partie du trajet était magnifique et nettement plus varié que celui de la croisière depuis Kollam, enchantant. Pour la première fois depuis notre départ, Cerise a joué sur le bateau avec un autre enfant, un garçon d’à peu près son âge. Il y avait eu quelques timides tentatives de jeunes Indiennes et une, plus avancée, d’un petit Français, à la peau d’Indien, qui cherchait de l’attention sur la plage de Varkala. Je lui avais demandé de déguerpir après qu’il ait jeté une deuxième fois, de manière narquoise, du sable sur la tête de Cerise et arraché sa longue vue des mains, refusé de la lui rendre, etc.  Cerise parle également plus volontiers aux adultes depuis quelques jours, elle leur raconte ses histoires, notamment depuis que nous avons acheté hier son cahier de fleurs à colorier. Cette fois, j’ai eu le temps de détailler le serpent d’eau qui se tenait coi contre le mur du canal, blanc en bas, verdâtre sur le dessus et tacheté comme une truite. L’hélice du bateau a percuté la terre ou autre chose et nous nous sommes arrêtés quelques minutes pour réparer l’avarie. Quelle paix m’a envahie à l’arrêt du moteur. Sur une eau calme, au milieu de nulle part, entre les cocotiers et les rizières. J’aurai volontiers pédalé les quelques kilomètres restant pour maintenir cette langueur éternelle au royaume des oiseaux. Nous avons vu les habituels blancs, les noirs communs, en quantité incalculable, et aussi des canards, quelques blancs à bavettes brunes, quelques spécimens d’espèces moins fréquentes et …  un martin-pêcheur !  Il m’a semblé le reconnaître avec son long bec, sa cape bleue sur son poitrail orange, à épier l’onde du canal de Kottayam. J’ai toujours cru qu’il était extrêmement rare de pouvoir en observer, peut-être ai-je vu ce que je souhaitais ? Le rickshaw-wallah qui nous a chargé à l’embarcadère était aussi souriant que les deux employés d’Indian Railways, plus grand employeur du monde, à qui je me suis adressé. Et c’était encore pire à la consigne des bagages. Je me suis efforcé de présenter mon meilleur sourire et mon air le plus enjoué à Kottayam et à ses habitants, qui avaient des têtes d’enterrement. La ville, traversée en rickshaw, m’a fait penser à Lausanne, avec ses montées et ses places, ses quartiers. Nous y avons profité de jus de fruits, de samosas et de shakes, cerise pour Cerise et noix de cajou pour moi. Le voyage en train a été bref en compagnie de Thomas, habitant d’Ernakulam, au discours passionnant. Cerise est jalouse quand je parle à d’autres personnes. Nous avons pris un nouveau rickshaw de la gare d’Ernakulam Town jusqu’à Fort-Cochin. Cerise a dormi presque toute la course de près de trente minutes vrombissante et pétaradante. Elle s’est complétement abandonné dans mes bras pour mon plus grand bonheur. Ses jambes vibraient quand le rickshaw était à l’arrêt, je ne sais pas comment elle a fait pour s’endormir. J’ai bien du la réveiller, une fois arrivée à l’auberge de la princesse, rue de la princesse, à Fort-Cochin, là où notre périple a commencé, il y a vingt jours.

 

Kochi, le 16 mars, 12h59.

L’avant-dernier jour à Kochi se passe tranquillement. Levés tôt, nous sommes partis nous balader, avons visité le basilique Santa-Cruz, refaite en mille neuf cent deux et l’église St-François, construite en 1503, toujours en fonction, et qui héberge le tombeau où à reposé quelques années Vasco Da Gama. L’intérieur dégoulinait de prières centenaires, avec plus de légèreté que dans les temples hindous visités, sauf peut-être le tout pétant coloré d’Alappuzha hier matin. Dans le terrain derrière l’église, des enfants jouaient au cricket et je les ai rejoins pour une partie. J’ai très bien rempli mon rôle de « opening batsman », ce qui ne nous a pas empêché de perdre la partie, mes collègues frappant de grands coups et tombant comme des mouches. Cerise a attendu en me regardant. Ensuite, je l’ai prise sur mes épaules jusqu’à la mer, nous nous avons pris le temps de la regarder et de ramasser quelques coquillages avant de rentrer à l’auberge de la princesse. Sur le chemin, des adultes m’ont invité à venir jouer au cricket avec eux à seize heures, sur le même terrain. Cerise colorie son livre.

21h48.

Nous avons passé les heures les plus chaudes de la journée dans notre chambre. Ensuite, nous sommes parti pour une petite ballade sans autre but que grignoter quelques petites choses, et rentrés encore, avant d’aller assister au cours de cuisine de Mme Leelu. J’ai demandé encore plusieurs fois à Cerise si elle était sûre de vouloir y aller, qu’elle ne pourrait pas cuisiner, seulement regarder et qu’elle risquait de s’ennuyer. Non, elle voulait y aller et comme elle sait ce qu’elle se veut. Elle montrait pourtant déjà d’importants signes de fatigue en route pour la démonstration. Nous avons attendu que tout le monde soit là, pour regarder, en compagnie de jeunots, une dame bien portante et visiblement aisée se royaumer en cuisinant des choses très simples avec des explications basiques. J’étais un peu amer car le cours était plutôt cher et que j’aurais préféré donner mes roupies à quelqu’un qui en aurait eu plus besoin. D’autre part Cerise, non payante, n’était pas considéré, on tolérait son ramage et c’était déjà bien. Elle s’est d’ailleurs assez rapidement plainte de s’ennuyer et attendait avec impatience de faire les chappatis, seule denrée que nous allions réellement cuisiner. Et puis, face à la qualité du cours, j’ai commencé à m’amuser avec Cerise, j’écoutais la madame et je riais avec Cerise de ses facéties et de ses remarques très à propos. Elle a été magnifique, une fois de plus. Ensuite, nous avons mangé et sommes rentrés nous coucher, dernière nuit complète en Inde.

 

Kochi, samedi 17 mars, 16h15.

Réveillés tôt, nous avons joué dans la chambre avant d’aller manger, un peu plus loin chaque matin, dans un endroit abrité de bambou, adorable et agréable. Ensuite nous sommes rentrés, en passant par un nouveau magasin de livres et un autre ou on vendait « Barbie in India ». Nous nous sommes lavés et j’ai paqueté le sac pour la libération de la chambre. Il ne nous restait plus qu’à attendre dix-sept heures avant de prendre l’avion, quatorze avant le départ pour l’aéroport. Rien de prévu. Ah, oui, chercher un collier de perles de bois pour Hélène. J’espérais prendre le temps de comparer les échoppes et les étals près de la « plage ». Nous l’avons acheté dans le premier étal visité. Nous l’avons pris violet, comme ça elle pourra le porter en plus de l’utiliser. Il paraît que les perles sont en manguier. Nous avons continué le long du bras de mer séparant Ernakulam de Fort-Cochin et nous sommes arrêtés dans les arbres. Nous y sommes restés près de deux heures, assis sur une grosse branche. Couché, je contemplais Cerise qui dessinait. Puis je me suis mis à dessiner moi aussi sur l’écorce. Une forme de land’art en mosaïque. Mes aventures sur le sous-continent indien avaient débuté dans un arbre à Dhaka, avec Benoît. Il semble qu’elles se terminent de la même manière. J’avais prévu de dîner dans l’excellent restaurant que nous avions fréquenté lors de notre arrivée, encore une boucle à clore. Il était bondé et nous avons préféré nous rendre au même restaurant que pour le déjeuner, à travers des rues inconnues, paisibles et ombragées. Les touristes nombreux ont pour la plupart l’air en difficulté, en tout cas pour apprécier ce qu’ils vivent. Ils se rencontrent entre compatriotes dans les mêmes endroits recommandés par les mêmes guides édités pour qu’ils se retrouvent. Une autre chose qui me déstabilise ici, c’est la valeur de l’argent. Deux heures trente de bateau pour neuf centimes, moins d’un franc pour une bague, puis près de douze francs pour un mauvais cours de cuisine de deux heures, moins d’un centime pour le journal, et douze francs encore pour une robe d’enfant. Des contrastes que je ne comprends pas toujours. Un système de marchandage, dont certains profitent et que d’autres appliquent avec correction. Plus que onze heures avant de prendre l’avion.

 

Netumbassery, samedi 17 mars, 23h37.

C’est la saint Patrick ! Nous sommes retournés dans l’arbre pour regarder le ciel s’obscurcir plus lentement que les feuilles entre lui et nous. Si ça ce n’est pas les vacances, n’avoir rien d’autre à faire que d’attendre la nuit et détailler les nuances des couleurs. J’ai écris « pour les handicapés » à plusieurs endroits sur l’arbre, à la demande de Cerise, pour qu’ils sachent que s’ils veulent venir, quelqu’un va les porter sur l’arbre et qu’ils peuvent venir. J’ai repensé à ma vision des touristes et ils m’apparaît que je les vois en quête d’un bonheur chimérique qu’ils ne savent pas ou rechercher. C’est une simple projection bien sûr et une généralisation. Aujourd’hui mon bonheur est chez moi, avec ma femme et mes enfants que j’aime. Il m’a peut-être fallu ce voyage pour me rendre compte à quel point ma vie me satisfaisait.  En rentrant à l’hôtel, Cerise, sur mes épaules, me racontait qu’il y avait plein de bonnes choses en Inde, que quand elle sera grande, elle reviendra en Inde, il y a trop de bonnes choses qu’elle aime, comme les coquillages, les milk-shakes, les sauces, les fruits, juste le jus de noix de coco, elle aime pas. Il me manquait quelques centaines de roupies pour payer le taxi pour aller à l’aéroport cette nuit, puisqu’il n’y avait plus de bus. Le distributeur était en panne et le suivant n’accepte pas mes cartes. Je me suis donc enfoncé, Cerise sur les épaules dans de nouvelles rues inconnues, et ai découvert un quartier animé, sous touristes, à quelques minutes de marche. De même ensuite, dans le bus, nous avons traversé Ernakulam dans les premières heures de la nuit. J’y ai découvert encore une toute autre vie que je regrette n’avoir pas visitée. J’aurai beaucoup plus marché si j’avais été seul. Ce bus traversait la vraie vie de Kochi, d’Ernakulam. Le film conseillé était une catastrophe. Après la danse initiale, l’aimée reçoit par accident un coup de feu à la tête, prétexte pour les deux cents suivants avant qu’on quitte le cinéma en cours, sous le regard étonné des autres cinéphiles. La rue principale Mahatma Gandhi Road était glauque, toutes les échoppes fermées et nous étions à la recherche d’un taxi qui nous emmenerait trop tôt à l’aéroport et nous ne savions pas trop comment. Un gardien d’hôtel m’a simplement dit de nous asseoir dans le hall et qu’il allait en appeler un. Comme c’était bienvenu. De la réception de cet hôtel, nous avons observé des Indiens uniquement sortir pour la soirée. Puis le taxi est arrivé et nous voici à l’aéroport international de Kochi, plus que cinq heures avant notre vol.

 

 

 
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